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Comment faire pour améliorer l’utilisation des outils numériques ?

Emmanuel Armand, WalkMe

AVIS D’EXPERT – Si l’adoption du numérique est un indicateur clé de la productivité des salariés, comment faire pour améliorer l’utilisation des outils numériques ? Par Emmanuel Armand, directeur des Alliances Europe du Sud chez WalkMe.

Le ralentissement économique en Europe pourrait se poursuivre : selon les estimations de la Commission européenne la croissance de l’économie de l’UE progresse, en ce début de 2024, à un rythme plus faible que prévu, +0,90% contre 1,30% à l’automne 2023. A cela s’ajoutent des tensions géopolitiques, des coûts de capital plus élevés, une énergie chère, une inflation toujours présente, des pénuries de personnel rampantes et une détérioration du climat de consommation.
Dans ces conditions, les entreprises se voient contraintes de repenser leurs stratégies de croissance et la transformation numérique vient alors jouer un rôle prépondérant dans le développement de la productivité.
Cependant, alors que les actifs logiciels des entreprises et la façon dont elles les mettent en œuvre deviennent le socle de leur création de valeur et de différenciation sur le marché, les initiatives informatiques n’aboutissent souvent pas aux résultats escomptés.

Dans la pratique, la mise en œuvre de stratégies numériques est généralement plus complexe que prévu, une des raisons principales provient des collaborateurs qui ne s’impliquent que partiellement en raison d’un manque global de communication et d’explication de la vision (le pourquoi et le sens), de formation et bien trop souvent de d’absence de gestion du changement. Le risque est alors que ces investissements coûteux soient laissés en jachère, tandis que l’entreprise se retrouve avec des capacités numériques – et des coûts de licence – considérables alors que partiellement inutilisées.

Que faire pour éviter cette situation ? L’année dernière, selon Statista, les entreprises du monde entier ont dépensé 1 600 milliards de dollars pour la transformation numérique (175 Milliards d’euros en France) ; en 2026, ces dépenses pourraient s’élever à environ 3400 milliards de dollars. Si les changements visés sont généralement profonds, grâce à une transition efficace, les décideurs doivent concilier tous les aspects de l’environnement numérique : les logiciels, les processus et bien sûr, les personnes.

Un manquent de dextérité numérique

Mais c’est malheureusement plus facile à dire qu’à faire. Une étude de WalkMe menée auprès de 3 700 cadres supérieurs et employés montre qu’en moyenne, en France, si 69 % des entreprises déclarent que l’adoption des logiciels est un indicateur clé, du côté des employés la réalité est toute autre. En effet, les employés manquent de dextérité numérique pour utiliser efficacement les applications nécessaires à leurs activités ; 35 % se disent mécontents de la difficulté d’utilisation des logiciels d’entreprise et 42 % perdent patience avec leur logiciel après seulement 132 jours de travail.

Les employés sont également constamment confrontés à des mises à jour logicielles et à l’ajout de nouvelles fonctionnalités. Ils doivent s’y retrouver chaque jour dans une multitude d’applications et de processus de travail gérés en silo. La « fatigue logicielle » qui en résulte est un véritable problème pour des employés exposés à un empilement d’applications censées simplifier leurs tâches. Le constat est simple : même les meilleurs logiciels ne peuvent pas donner de bons résultats si les utilisateurs finaux les utilisent de manière limitée.

Des méthodes de formation inadaptées

Bien que les entreprises reconnaissent la nécessité d’améliorer les compétences numériques de leurs employés avec parfois plus de 4 générations différentes au sein d’une même équipe, elles s’appuient souvent sur des méthodes de formation dépassées (présentations PowerPoint, PDF, etc.) qui ne peuvent pas suivre le rythme des mises à jour fréquentes ou de l’évolution des besoins des utilisateurs.

Les employés travaillent généralement avec des dizaines d’applications par jour et passent un temps précieux à rechercher des données et à changer de contexte.  Il n’est pas rare que les services informatiques ou les professionnels déjà surchargés soient submergés de questions ou que les employés passent trop de temps à chercher des conseils auprès de collègues et des solutions de contournement.

Comment apprendre à utiliser les logiciels ?

Il existe des outils qui peuvent aider les utilisateurs à apprendre et à naviguer dans les logiciels pour réaliser leurs tâches. Généralement dénommées Plateformes d’Adoption Digitale (DAP), elles se greffent en surcouche des logiciels ou des sites web afin de guider les utilisateurs sur la bonne voie grâce à des indications non intrusives et contextuelles directement sur leur écran. Ce sont dess solution qui permettent d’augmenter l’acceptation numérique et ainsi une utilisation plus durable des logiciels en déportant « le stress de la connaissance » non plus au niveau de l’utilisateur mais dans l’application elle-même.

Pour simplifier, ce type de solution DAP est comparable à un assistant personnel intelligent qui affiche dans le logiciel ou le site web, une aide contextuelle alimentée par l’IA ; les utilisateurs bénéficient ainsi d’informations pertinentes sur la marche à suivre directement dans le logiciel, au bon moment et au format dont ils ont besoin.

Les cas d’usage sont quasi infinis, que ce soit par exemple expliquer où trouver une information demandée pour les nouveaux collaborateurs (« L’ID de votre ordinateur portable se trouve sous l’ordinateur ») ou une aide pour clarifier des formulaires paraissant complexes pour les utilisateurs novices, ou encore des indications contextuelles sur des sujets urgents (du type « Veuillez procéder d’urgence à la mise à jour de ce navigateur »).

Toutefois, tout cela ne représente qu’une partie des avantages. De manière plus globale, une solution DAP aide à réduire la frustration numérique, à approfondir les connaissances logicielles sans formation supplémentaire et ainsi à utiliser de manière optimale ces ressources numériques coûteuses.

Bénéficier d’informations concrètes sur l’utilisation de tous les outils logiciels

Au niveau stratégique et analytique, une solution DAP permet aux décideurs d’obtenir des informations concrètes, basées sur des données, sur l’utilisation des logiciels et la réalisation des processus métiers dans leurs entreprises : quelles sont les applications les plus utilisées ? Où, à quelle fréquence et pendant combien de temps ? Quels logiciels ne sont guère utilisés ? Y a-t-il des doublons de certaines fonctionnalités ? Où les utilisateurs interrompent-ils le plus souvent un processus ? Quels processus critiques pour l’entreprise sont peu ou mal complétés…

Les réponses à ces questions mettent en lumière l’acceptation du numérique par les différents types d’utilisateurs et révèlent un potentiel d’économies sur les licences ; l’étude WalkMe montrant un potentiel d’économie de 4800$/employé.  Ces réponses aident aussi à développer des processus métiers sur mesure combinant respect des impératifs de l’entreprise et « confort » d’utilisation par l’utilisateur.

Si les entreprises parviennent à trouver un équilibre entre le progrès technique et l’acceptation numérique des collaborateurs, plus rien ne s’oppose à la valeur ajoutée promise par les grandes applications comme Salesforce, SAP, ServiceNow, Workday ou autres. Une solution DAP aide alors à rendre l’utilisation de ces logiciels plus transparente et à aider numériquement les utilisateurs grâce à des outils de communication modernes, évolutifs et en temps réel.

De mon point de vue, c’est bien la pièce manquante du puzzle pour une numérisation réussie : les promesses de retour sur investissement des solutions logicielles nouvellement acquises ne se concrétisent que si l’acceptation de la technologie peut être mesurée avec précision et la gestion du changement optimisée de manière ciblée.  D’ailleurs, d’ici 2030, les experts prévoient un taux de croissance annuel de plus de 23 % pour le marché mondial du DAP. Les dépenses pour les plateformes d’adoption numériques pourraient ainsi s’élever à plus de 3 milliards dans le monde en 2030 (prévision 2023 : 702 millions de dollars).

En tant qu’accélérateur de la transformation numérique, une solution DAP permet aux entreprises de mieux se préparer à l’avenir et à faire des promesses de la transformation numérique une réalité : elle améliore l’engagement des collaborateurs, conduit à des temps de réaction plus rapides et permet une utilisation optimisée des ressources coûteuses et limitées. L’augmentation de la productivité qui en résulte permet enfin d’obtenir le retour sur investissement promis par ces nouvelles applications logicielles, car l’aspect humain de la transformation, indispensable à leur réussite, peut enfin être abordé efficacement.

Compte tenu de la situation économique actuelle, cela devrait conduire à combiner une augmentation globale de la productivité et des collaborateurs plus satisfaits, de quoi constituer une lueur d’espoir bienvenue pour les directions.

 

Emmanuel Armand