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Canada vs OVHcloud : une décision canadienne pourrait forcer le cloud français à remettre des données stockées en Europe

Une décision judiciaire rendue en Ontario pourrait placer OVHcloud, le champion français du cloud, dans un conflit juridique international potentiellement majeur. Selon un article publié par le média allemand heise, « la Cour de justice de l’Ontario a ordonné à OVHcloud de transmettre des données stockées sur des serveurs étrangers à la police canadienne ».

Un ordre aux effets extraterritoriaux

L’affaire trouverait son origine dans un ordre judiciaire émis le 19 avril 2024 par la Cour de justice de l’Ontario, dans le cadre d’une enquête de la Gendarmerie royale du Canada (RCMP). Les enquêteurs demanderaient l’accès aux données associées à quatre adresses IP, incluant des informations d’abonnés et diverses métadonnées.

Comme le rappelle le média en ligne heise, « ces données ne se trouvent pas au Canada, mais en France, en Grande-Bretagne et en Australie ».

La juge Heather Perkins-McVey aurait estimé, dans une décision datée du 25 septembre, que la maison mère française devait tout de même transmettre ces données en s’appuyant sur une interprétation élargie de la « présence virtuelle » : « puisqu’OVH opère à l’échelle mondiale et fournit des services au Canada, il est soumis à la juridiction canadienne, indépendamment de l’emplacement physique des serveurs », écrit le média allemand.

OVHcloud pris entre deux feux

Selon le média en ligne heise, la décision placerait OVHcloud dans une situation intenable. Le média cite un affidavit du juriste Xavier Barrière : « si OVHcloud se conformait à l’ordonnance canadienne, les responsables en France commettraient une infraction pénale ». La loi française de blocage interdirait en effet toute transmission directe à des autorités étrangères en dehors des canaux d’entraide judiciaire.

Toujours selon le média allemand, les dirigeants français « risqueraient jusqu’à six mois de prison et 90 000 euros d’amende par infraction ».

Paris s’en mêle : un potentiel incident diplomatique

Le média en ligne heise indique que l’affaire aurait déclenché des réactions au plus haut niveau de l’État français. Le SISSE (ministère de l’Économie) aurait adressé deux lettres officielles, en mai 2024 puis en janvier 2025, indiquant que « toute divulgation directe à la RCMP serait illégale » et constituerait « une atteinte à la souveraineté française ».

Le ministère de la Justice français serait également intervenu, promettant à son homologue canadien un traitement « accéléré » en cas de demande formelle par commission rogatoire.

Un précédent redouté par toute l’industrie du cloud

Si cette interprétation canadienne de la « présence virtuelle » était confirmée, elle pourrait créer un précédent mondial. Des autorités étrangères pourraient tenter d’exiger l’accès à des données hébergées dans des pays tiers dès lors qu’un fournisseur opère sur leur territoire.

Selon les informations du média allemand heise, OVHcloud aurait déposé un recours devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario avec l’appui du cabinet Miller Thomson. Les avocats y soutiendraient que « le tribunal d’instance a ignoré des principes fondamentaux du droit international », en particulier l’idée qu’un État ne peut ordonner à des ressortissants d’un pays partenaire de violer leur loi nationale lorsqu’une procédure légale alternative – ici le traité d’entraide judiciaire – existe.