Joffrey Célestin-Urbain, président du Campus Cyber depuis juin 2025, revient sur les ambitions de cette structure devenue un acteur stratégique de la filière. Entre animation de l’écosystème, montée en compétences, souveraineté numérique et accompagnement des PME, il trace les contours d’un Campus version 2, plus opérationnel que jamais.
SNC – Pouvez-vous vous présenter brièvement et revenir sur votre prise de fonction ?
Je suis président du Campus Cyber depuis le 10 juin. Avant cela, j’étais directeur du Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques à Bercy. Ma mission consistait à coordonner la protection des actifs stratégiques de l’économie française. Cela fait naturellement le lien avec ma nouvelle fonction : développer un écosystème cyber structurant, tout en assumant une boussole de souveraineté.
SNC – Quelle est la mission principale du Campus aujourd’hui ?
Créer de la valeur pour l’écosystème cyber français. Le projet initial, c’était un lieu totem à La Défense, où se rencontrent acteurs publics et privés. C’est fait. Maintenant, il faut aller plus loin : devenir un prestataire de services incontournable pour la filière. Cela passe par l’animation de l’écosystème, le renforcement des compétences, la mise en relation entre offre et demande, et un appui concret aux PME et collectivités.
SNC – Comment voyez-vous l’évolution du Campus Cyber dans les années à venir ?
On est en train de passer de l’immobilier à l’opérationnel. La V2 du Campus, c’est un opérateur central de la cybersécurité française. Il faut que chaque acteur sente qu’il a une place et qu’il en retire une valeur directe. L’écosystème doit vivre, interagir, échanger. Et nous, nous jouons le rôle du catalyseur de ces synergies.
SNC – En matière de talents, quels sont les enjeux actuels ?
Nous ne recrutons pas directement des experts cyber, mais notre rôle est de faire le lien entre les écoles présentes sur place et les entreprises qui recrutent. On organise par exemple des job datings, et on pilote le programme TACSI (TAlent Cyber Souveraineté Innovation), financé par l’État. Il s’agit d’attirer, former, et mieux faire correspondre les profils aux besoins des entreprises.
SNC – Quelles actions menez-vous pour renforcer la formation et sensibiliser aux métiers cyber ?
Nous agissons sur toute la chaîne, du collège jusqu’aux professionnels. L’idée est de casser les stéréotypes – le geek à capuche – et de montrer la diversité des métiers, y compris ceux liés à la gouvernance, au droit ou à la pédagogie. La féminisation de la filière est aussi une priorité. On travaille main dans la main avec l’Éducation nationale et les acteurs privés.
SNC – Avez-vous des projets récents concrets à mettre en avant ?
Oui, plusieurs. Par exemple, SYLBIA (Cyber + IA) est un programme d’accompagnement des PME franciliennes. Il propose des audits de cybersécurité gratuits et un plan d’action adapté. Il cible 150 PME et 30 collectivités. C’est un vrai levier de résilience pour des structures qui, sans cela, n’auraient peut-être jamais abordé ces enjeux.
SNC – Et en matière de collaboration ?
La force du Campus, c’est cette mixité unique : start-up, grandes entreprises, écoles, institutions, services de l’État. Le défi, c’est de transformer cette cohabitation en synergies concrètes. On veut faciliter le dialogue, les échanges de besoins, les retours d’expérience. Une équipe RSSI d’un grand groupe peut venir pitcher un problème : on lui met en face des solutions cyber innovantes issues de l’écosystème.
SNC – Quelle place occupe la souveraineté numérique dans votre stratégie ?
C’est notre boussole. J’ai choisi de faire de la souveraineté numérique un axe structurant. Ce n’est pas un thème consensuel, mais je suis convaincu que c’est un enjeu central pour la France et pour l’Europe. Cela passe par la montée en puissance des acteurs français, l’appui à l’innovation locale, et une stratégie d’achat plus souveraine, publique comme privée.
SNC – Quels sont les défis à court terme ?
Créer de la valeur tangible pour tous. Que chaque résident, chaque partenaire, dise « le Campus me permet d’aller plus loin, de faire mieux ». C’est un défi humain, collectif. Il ne s’agit plus de bâtir des murs, mais du lien, du sens et de l’impact.
SNC – Avez-vous des ambitions à l’international ?
Oui, mais à notre mesure. Il faut d’abord identifier les bons partenaires, et structurer une stratégie de rayonnement. Nous voulons aider les acteurs français à s’internationaliser, et jouer un rôle de connecteur au sein de l’Europe. Il faut que les Européens se fassent confiance et s’achètent entre eux.
SNC – Quel message souhaitez-vous adresser aux étudiants, professionnels et décideurs ?
Engagez-vous dans cette filière ! Que vous soyez étudiant, chercheur d’emploi, décideur public ou privé, il y a une richesse incroyable ici. Le Campus Cyber est une plateforme unique qui peut vous apporter des solutions concrètes, des compétences, des connexions. Tout reste à écrire, et chacun a sa place.