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AVIS D’EXPERT – L’impact des agents intelligents sur l’architecture d’entreprise

Eva Jaidan, Directrice Intelligence Artificielle chez MEGA

Si 2024 a clairement été l’année de l’IA, 2025 promet d’être celle de l’IA agentique. Comprenez la capacité pour des agents dotés d’intelligence artificielle à raisonner, planifier des opérations ou même prendre des décisions. Un changement profond des processus métiers, qui impactera nécessairement l’architecture d’entreprise. Pour nos lecteurs, les explications de Eva Jaidan, Directrice Intelligence Artificielle chez MEGA International, éditeur de logiciels SaaS.

 

Les agents IA : vers des superassistants autonomes

Les agents IA, ou IA agentique (traduction littérale de l’anglais Agentic AI), représentent une évolution significative des applications des grands modèles de langage (LLM) traditionnels. Ils intègrent un raisonnement avancé, une planification et une prise de décision optimisée par le RAG (Retrieval-Augmented Generation), dépassant les LLM classiques grâce à un accès à des informations actualisées et contextualisées.

Ces agents accèdent aussi à des outils comme des API, la recherche web ou des bases de données, leur permettant d’exécuter des tâches complexes et d’interagir en temps réel.

L’impact sur les processus métiers peut être considérable. Dans des domaines procéduraux comme la logistique, l’administration ou le droit, ces agents automatisent des tâches complexes, analysent rapidement de grandes quantités de données et proposent des solutions optimisées. Leur niveau de compréhension et de recherche est impressionnant, surtout lorsqu’ils sont spécialisés dans un domaine précis.

Les premiers tests grandeur nature révèlent déjà des résultats significatifs. Par exemple, dans la profession d’avocat, une grande partie du travail (comme la recherche et l’analyse de textes juridiques) est désormais grandement facilitée par les agents IA. Ces outils, basés sur des technologies avancées de traitement du langage naturel, permettent de gagner en précision et en efficacité.

De nombreuses entreprises technologiques développent actuellement des agents IA autonomes pour automatiser diverses tâches. Par exemple, Salesforce a récemment lancé Agentforce, une suite d’agents IA autonomes capables de gérer des tâches dans les domaines du service client, des ventes, du marketing et du commerce, augmentant ainsi l’efficacité et la satisfaction client.

De même, HubSpot a introduit Agent.AI, un réseau d’agents autonomes destiné aux équipes de marketing, de vente, de service client et d’opérations, permettant une collaboration fluide entre les agents IA et le personnel humain. Ces solutions vont bien au-delà des assistants virtuels traditionnels, offrant des capacités avancées pour optimiser les processus métier.

De son côté, Google Agentspace promet une amélioration drastique de la productivité des entreprises, grâce notamment au traitement de données non structurées (documents, emails), aux connecteurs prédéfinis pour les applications tierces courantes (Google Drive, Jira, Microsoft Sharepoint, etc.) et à la capacité offerte de développer des agents IA entièrement personnalisés.

Toutefois, il convient de rester prudent : malgré leurs capacités avancées, ces agents ne remplacent pas entièrement l’intervention humaine. Certains processus et décisions critiques nécessitent toujours la supervision et la validation d’experts humains.

L’intégration au SI, véritable défi de l’IA agentique

Pour maximiser la valeur des agents IA, ils doivent s’intégrer harmonieusement au système d’information. Une intégration défaillante pourrait limiter leur précision, introduire des biais ou générer des incohérences. Assurer un accès fluide, sécurisé et structuré aux données critiques est essentiel pour exploiter pleinement leur potentiel.

Pour intégrer efficacement les agents IA, il est essentiel de structurer et gouverner les données. Une bonne gestion assure des informations de qualité, bien indexées et accessibles, permettant à l’IA de les exploiter au mieux. La contextualisation des données renforce la précision et la fiabilité des résultats.

En parallèle, il est crucial de garantir la sécurité et la confidentialité. Les agents IA doivent respecter les mêmes règles que les collaborateurs, avec des contrôles d’accès stricts basés sur les rôles et des droits définis selon les besoins. Cela assure une utilisation des données conforme aux politiques internes et protège l’organisation contre les risques.

Dans ce contexte, l’architecture d’entreprise joue un rôle clé, s’appuyant sur une vision d’ensemble via la triple cartographie IT, processus et capacités métiers. Cette approche permet aux architectes d’orchestrer l’intégration de l’IA agentique, d’identifier les systèmes à connecter, de repérer les étapes où l’IA peut créer le plus de valeur et de prioriser les initiatives selon la stratégie de l’entreprise.

Ce rôle prolonge les grandes transformations déjà orchestrées par les architectes, comme la digitalisation, le cloud ou l’IoT. Toutefois, l’IA agentique pose des défis spécifiques : gestion des biais, transparence des décisions et gouvernance des modèles. Une approche rigoureuse et une collaboration étroite entre IT, experts IA et métiers sont essentielles pour garantir des résultats alignés avec les objectifs de l’organisation.

En d’autres termes, si les agents IA posent un défi aux organisations, ils s’inscrivent dans une logique familière pour les architectes d’entreprise, habitués à adapter l’architecture aux évolutions technologiques. Mais au-delà des aspects techniques, leur intégration soulève aussi des enjeux culturels, éthiques et réglementaires que l’architecte doit anticiper pour assurer une transition réussie.

L’architecte d’entreprise, garde-fou des agents IA

Bien que l’IA générative ait déjà transformé les méthodes de travail, l’avènement de l’IA agentique marque une révolution encore plus profonde que l’IA conventionnelle. Elle ouvre la voie à des entités artificielles assumant des responsabilités et des rôles humains, bouleversant ainsi les paradigmes établis.

Les implications les plus visibles concernent d’abord l’impact des agents IA sur de nombreux emplois, transformant profondément la nature du travail dans divers secteurs.

Ensuite, le vide juridique autour de ces agents, avec des cadres réglementaires comme l’AI Act européen ne tenant pas encore compte de leurs spécificités. Les législateurs devront donc s’emparer rapidement de la question. Enfin, des enjeux éthiques se posent : l’autonomie croissante des agents IA soulève des questions déontologiques complexes sur la responsabilité, la prise de décision et l’impact sociétal.

Dès lors, l’architecte d’entreprise joue un rôle de garde-fou au sein de l’organisation pour éviter tout risque de dérives. Il veille à l’évaluation de l’impact humain et organisationnel des agents IA, assure l’alignement des solutions avec les valeurs de l’entreprise et anticipe les risques éthiques et réglementaires. Dans un contexte d’adoption rapide, il doit aussi sensibiliser les utilisateurs à une approche responsable et durable de ces IA.

Nous entrons dans une ère enthousiasmante où les agents IA deviennent bien plus que des outils : ils s’intègrent aux équipes, nécessitant une gestion et une orchestration inédites. Cette révolution technologique transforme notre manière de travailler, collaborer et innover, offrant des opportunités pour améliorer agilité, efficacité et performance. Pour exploiter leur plein potentiel, ces agents doivent être intégrés de manière stratégique, éthique et fluide.

L’architecte d’entreprise, à la croisée de la technologie, des processus métiers et de la stratégie, joue un rôle central dans cette transformation, garantissant une gouvernance robuste et une collaboration homme-machine harmonieuse. C’est un moment clé pour réinventer non seulement les opérations, mais aussi la culture des organisations, et ceux qui sauront orchestrer cette révolution intelligemment auront une longueur d’avance.