Accueil SI AVIS D’EXPERT – DNS : un service critique qu’on ne peut plus...

AVIS D’EXPERT – DNS : un service critique qu’on ne peut plus se permettre de négliger

Romain Bren, expert cybersécurité chez Nomios.

Souvent considéré comme un simple utilitaire, le DNS reste pourtant l’un des maillons les plus stratégiques et les plus vulnérables du système d’information. Derrière sa simplicité apparente, il expose des informations sensibles, sert de vecteur aux attaques et se retrouve trop souvent sans responsable identifié. Dans cette tribune, Romain Bren, expert cybersécurité chez Nomios, alerte sur les erreurs récurrentes qui fragilisent le DNS et détaille les bonnes pratiques pour en faire une véritable ligne de défense.

Pilier discret du système d’information, le protocole DNS assure la résolution des noms de domaine et le bon aiguillage des flux. Sans lui, pas d’accès aux applications, aux services ni à Internet. Et pourtant, derrière cette apparente simplicité, le DNS reste l’un des éléments les plus critiques… et les plus vulnérables.

Ce protocole ancien, souvent installé « par défaut », a longtemps été perçu comme un simple service utilitaire. Ce qui explique en partie la légèreté avec laquelle il est parfois configuré. La sécurité ? Souvent jugée secondaire, si ce n’est simplement ignorée. Pourtant, le DNS ne se contente pas de traduire des noms : il transporte des informations essentielles sur l’architecture d’un réseau, expose des pans entiers de son adressage IP, et sert parfois même de vecteur de communication vers l’extérieur.

Parce qu’il se situe à la croisée des chemins entre réseau, système et cybersécurité, le DNS se retrouve souvent sans véritable propriétaire en interne. Un angle mort technique, laissé aux marges des priorités, et dont les attaquants ne se privent pas pour en exploiter les failles. Et pourtant : le DNS est bien trop critique pour qu’on se permette de ne pas s’en occuper.

Des mauvaises pratiques et erreurs qui coûtent cher

On n’ouvre jamais sciemment la porte aux attaquants. Pourtant, c’est ce que font beaucoup d’entreprises sans s’en rendre compte ! En matière de DNS, les erreurs ne viennent pas de laxisme, mais d’une combinaison redoutable : paramètres laissés par défaut et réglages oubliés, souvent complété par une absence d’expertise dédiée en interne. Tant que rien ne se passe, personne ne s’inquiète, jusqu’au jour où…

Le transfert de zone en est l’exemple parfait. Initialement, c’est un mécanisme utile qui permet de répliquer un fichier DNS d’un serveur à l’autre pour assurer la continuité du service. Mais ce qui doit rester un échange strictement contrôlé se retrouve bien trop souvent accessible à n’importe quel serveur sur Internet. Résultat : les attaquants n’ont plus qu’à se servir.

À cela s’ajoutent d’autres détails faciles à négliger : une récursivité activée au mauvais endroit, qui transforme un serveur en arme de rebond ; ou ces enregistrements oubliés, souvent des sous-domaines laissés à l’abandon, qui n’attendent que d’être détournés.

Derrière chaque paramètre mal ajusté et chaque règle oubliée se cache un risque bien réel. Une cartographie réseau exposée fournit aux attaquants la matière idéale pour préparer une intrusion ciblée. Une indisponibilité soudaine peut frapper lorsque les failles du DNS servent de tremplin à un DDoS, entraînant la chute d’applications critiques. Quant aux sous-domaines abandonnés, ils deviennent une porte d’entrée discrète pour usurper des identités ou diffuser du contenu frauduleux.

Le point commun de ces erreurs : elles ne relèvent donc pas d’un défaut technique, mais d’une posture. Celle qui consiste à traiter le DNS comme un service secondaire, alors qu’il est au cœur de la sécurité.

Les bonnes pratiques à mettre en œuvre

Le DNS n’est pas condamné à rester une faiblesse chronique. Il peut même (re)devenir un socle robuste pour l’ensemble du système d’information, à condition d’adopter les bons réflexes à travers des gestes simples. La première étape consiste à activer le DNSSEC : cette signature numérique garantit que les réponses proviennent bien du bon serveur et bloque les attaques de spoofing ou de cache poisoning. Autre réflexe incontournable : préparer le DNS face aux attaques DDoS. Ces assauts massifs exploitent la surprise pour saturer les serveurs. Un DNS entraîné à encaisser ces charges évite que l’ensemble du SI ne s’effondre en cascade.

Au-delà de ces mesures techniques, la prévention repose sur une démarche structurée. Ne jamais lancer un projet sans solliciter un expert : quelques heures de paramétrage initial suffisent à éliminer des failles qui, laissées ouvertes, peuvent durer des années. Pour les infrastructures existantes, un audit de configuration révèle rapidement transferts de zones non restreints, enregistrements obsolètes ou récursivité mal placée. Dans le même esprit, il est essentiel de demander aux pentesters d’inclure le DNS dans leurs scénarios : ce maillon discret doit faire partie du périmètre testé au même titre que les autres briques critiques.

Enfin, la sécurité passe aussi par l’organisation. Le DNS ne doit pas rester orphelin entre le réseau, le système et la sécurité : il faut désigner un responsable clair. Avec de la méthode, de la rigueur et un suivi régulier, ce service discret cesse d’être un angle mort pour devenir une ligne de défense active.

DNS : quelles armes pour reprendre le contrôle ?

Le DNS a ceci de particulier que dans de nombreuses entreprises, personne n’en a vraiment la charge ; hormis s‘il existe une équipe dédiée de type DDI (pour « DNS, DHCP et IPAM »).  La gestion du DNS se retrouve alors souvent ballottée entre l’équipe réseau, le système ou la sécurité. Sans véritable capitaine à bord, les erreurs s’accumulent, jusqu’au jour où elles se transforment en failles.

On pourrait croire que ce flou ne concerne que les grandes organisations. Pourtant, le sujet devient critique dès qu’un serveur DNS entre en production. Inutile d’y consacrer une équipe à plein temps, mais désigner clairement un responsable – en interne ou en externe – reste indispensable pour suivre son cycle de vie, contrôler les configurations et maintenir un niveau de sécurité adapté. C’est ce suivi régulier, humain et expert, qui fera toute la différence.

Sans compter que la technologie impose de nouvelles règles. Face à la sophistication des menaces, l’intelligence artificielle permet d’agréger des volumes massifs de données, de surveiller les domaines existants et d’évaluer leur réputation en temps réel. Lorsqu’une attaque survient, cette capacité d’analyse accélère considérablement la détection, la compréhension et la réponse, évitant de précieuses heures perdues à chercher l’origine de l’incident. Mais inversement, l’IA sert aussi les attaquants, qui automatisent désormais la chasse aux erreurs de configuration pour cibler les serveurs vulnérables ; avec une facilité presque enfantine d’ailleurs.

Voilà pourquoi le DNS doit cesser d’être vu comme un simple rouage technique. Il doit être traité comme les autres actifs critiques avec rigueur, anticipation et l’accompagnement des bonnes compétences en la matière.