À l’approche de l’échéance de la facturation électronique, beaucoup d’entreprises redoutent une réforme perçue comme une contrainte. Laurent Darmon, directeur de l’innovation de Crédit Agricole SA et fondateur de La Fabrique by CA, défend au contraire l’idée d’une opportunité stratégique. Avec Kolecto, la solution lancée en 2022 au sein du start-up studio du groupe, il propose aux TPE et PME une alternative française, sécurisée et simple d’usage pour réussir cette transition numérique.
SNC : Vous insistez sur l’idée que la facturation électronique n’est pas une contrainte mais un levier stratégique. Qu’est-ce que cela change concrètement dans la gestion quotidienne d’une PME ou d’une TPE ?
Laurent Darmon : La facturation électronique, c’est digitaliser quelque chose qui existait déjà. Pour l’État, l’avantage est de lutter contre la fraude à la TVA. Pour les entreprises, l’obligation collective de passer sur une même norme crée une opportunité : tout le monde se retrouve sur la même ligne de départ, avec un protocole commun. Cela permet une digitalisation généralisée et cohérente, sans déséquilibre lié aux différences de maturité. Notre rôle, en tant que banque universelle, est d’accompagner aussi bien les grandes entreprises que les TPE/PME, pour que tous avancent ensemble.
Quels bénéfices tangibles vos clients constatent-ils déjà en anticipant la réforme ?
L.D. : Avec Kolecto, la digitalisation et l’automatisation des processus permettent en moyenne de gagner cinq heures par semaine, soit l’équivalent d’un salarié à temps plein sur un mois pour une petite structure. Une fois la donnée disponible, elle devient source de valeur : analyse de trésorerie, suivi des impayés, gestion du risque client, optimisation des relances. Nous fournissons un tableau de bord et du conseil, ce qui rapproche les TPE d’outils auparavant réservés aux grandes entreprises.
Comment convaincre les dirigeants de TPE et PME, parfois dépassés, que cette réforme peut leur simplifier la vie au lieu de la compliquer ?
L.D. : Le positionnement de Kolecto est d’accompagner tout le monde. Pour les plus digitalisés, le parcours est simple. Pour les autres, nous avons mis en place un processus en trois étapes : formation en amont, accompagnement humain à la prise en main, puis autonomie avec un support disponible à tout moment. Cela rassure, et nous avons d’excellents retours.
En quoi l’ancrage dans l’écosystème du Crédit Agricole constitue-t-il un avantage face aux acteurs internationaux ?
L.D. : Un outil de gestion est au cœur du fonctionnement d’une entreprise. Le Crédit Agricole apporte une réassurance unique, avec une promesse de durée et une réputation solide. Si un client rencontre un problème, il sait qu’il peut s’adresser à son agence. Nous jouons ce rôle de tiers de confiance que nous avons toujours eu dans le monde financier.
Kolecto se positionne comme une alternative française et de confiance. Quelles garanties proposez-vous en matière de souveraineté et de sécurité ?
L.D. : D’abord, Kolecto est une filiale à 100 % du Crédit Agricole, avec 130 milliards de fonds propres derrière. Ensuite, nous appliquons des obligations réglementaires au niveau le plus strict, comme pour une banque. La donnée est compartimentée selon les usages et c’est le client qui décide avec qui il la partage : sa banque, son expert-comptable, ses partenaires… La culture du coffre-fort bancaire s’applique ici : nous ne revendons pas ces données et elles sont sécurisées par des audits réguliers.
Concrètement, quelles sont les caractéristiques de l’outil Kolecto ?
L.D. : Nous sommes partis des usages réels des entreprises, y compris des pratiques comme la “boîte à chaussures” pour stocker les factures. Kolecto digitalise ces gestes quotidiens, permet de partager avec l’expert-comptable et de travailler ensemble. L’outil centralise les données venant de multiples logiciels (CRM, outils comptables, e-mails, plateformes d’achat…) et les oriente automatiquement vers les bons destinataires. L’objectif est une simplification totale, sans rupture dans la manière de travailler.
Quels développements à venir pour Kolecto ?
L.D. : Nous faisons évoluer la solution en fonction des retours clients. Nous allons aller de plus en plus vers de l’analyse personnalisée, avec la possibilité d’interroger directement l’outil : par exemple, « comment a évolué mon chiffre d’affaires avec tel client ces six derniers mois ? ». L’idée est de fournir une aide à la décision proche de ce qu’apporterait un contrôleur de gestion.
Quelles sont les prochaines grandes obligations numériques pour les entreprises, après la facturation électronique ?
L.D. : L’IA est la prochaine grande étape. Le règlement européen AI Act va imposer des contraintes de conformité très fortes, qui concerneront aussi les PME. Les entreprises devront s’assurer que leurs prestataires et leurs usages de l’IA respectent ce cadre, ce qui sera complexe. En parallèle, la centralisation croissante des données crée à la fois de la valeur et des risques accrus en matière de cybersécurité. Les choix d’aujourd’hui conditionnent la sécurité et la pérennité de demain.