Accueil IA Agents intelligents : l’IA revisite les processus

Agents intelligents : l’IA revisite les processus

© DR

Capables d’agir et d’interagir en toute autonomie avec leur environnement, de prendre des décisions éclairées et d’apprendre en continu, les agents IA sont bien plus que des chatbots. Pourtant, les entreprises peinent à tirer parti de ces technologies, faute d’expertise, de stratégie d’adoption claire ou d’infrastructure adaptée.

Alors que les promesses de l’IA s’invitent dans toutes les strates de l’entreprise, l’IA agentique émerge comme un levier structurant pour l’automatisation des processus métiers. Un agent IA est un programme autonome qui exploite le traitement du langage naturel couplé à l’apprentissage automatique ou renforcé. De tels programmes ne reposent pas sur une logique figée, comme les logiciels, mais sont capables d’évolution, d’adaptation et d’interactions dynamiques avec des systèmes ou des utilisateurs. Leur intégration dans les processus métiers permet d’automatiser des tâches répétitives, d’améliorer le service client, de détecter les anomalies en cybersécurité ou encore d’optimiser les opérations logistiques. Ils se connectent à des systèmes externes et dialoguent avec des bases de données par le biais d’API.

De nombreux usages

L’objectif de cette main-d’œuvre numérique est de rendre les workflows plus intelligents, plus dynamiques et plus réactifs, en exploitant leur capacité de décision contextuelle. Dans un système de gestion de factures, par exemple, un agent IA sait analyser un document, le rapprocher d’une commande, identifier des écarts et enclencher un processus de validation ou d’alerte, sans intervention humaine. Robot financier qui analyse en direct les cours des actions et les indicateurs économiques pour effectuer une analyse prédictive et exécuter des transactions, module de véhicule autonome qui exploite les données d’un GPS ou d’un capteur pour améliorer la navigation et la sécurité, chatbot sanitaire dédié à la surveillance des données de patients pour ajuster des recommandations de traitement en fonction de résultats d’examens réalisés en temps réel, agent de cybersécurité transformé en cerbère pour assurer la surveillance continue du trafic réseau, des journaux système et du comportement des utilisateurs ou encore un robot à qui l’on confie la gestion d’une chaîne d’approvisionnement et le pilotage des processus de commandes.

Toutes ces automatisations s’appuient sur l’articulation de briques complémentaires : NLP, extraction intelligente de documents, recherche sémantique, intégration de données métiers et logique de décision. Pour être véritablement utile, l’agent doit se glisser dans l’environnement applicatif de l’entreprise, accéder à la donnée métier et interagir avec d’autres outils (ERP, CRM, applications collaboratives). L’apparition de plateformes fédérant des fonctions d’orchestration, de traitement des documents, de gestion des données et d’évolutivité facilite le déploiement des agents, tout en maintenant un contrôle sur les règles métiers et la sécurité des données. Les frameworks open source comme Rasa, Lang-Chain ou les offres commerciales d’OpenAI, Google et IBM présentent l’avantage d’accélérer le démarrage d’un projet, avec ou sans personnalisation. Certaines entreprises préfèrent concevoir des agents sur mesure, notamment dans des contextes métiers spécifiques ou réglementés, auquel cas elles s’imposent une rigueur de gouvernance des processus et de supervision des actions des agents. Pour éviter les biais, les dérives ou les décisions erronées, l’intelligence exploitée est alors régulièrement auditée et paramétrée dans une logique de responsabilité humaine.

Adopter une architecture data fabric

Mike Beckley, Appian

Le marché regorge d’offres. Parmi elles, Agent Studio d’Appian permet aux utilisateurs de concevoir et de déployer des agents d’IA avec une certaine autonomie et une prise en compte du contexte. Ils peuvent également interagir avec plusieurs systèmes pour mettre à jour des dossiers, envoyer des e-mails et répondre dynamiquement à de nouvelles entrées dans un environnement donné. Associée à une data fabric, système organisationnel chargé d’optimiser la valeur des données de l’entreprise et d’accélérer sa transformation numérique, l’approche favorise une alimentation en continu de la donnée. « L’IA fonctionne mieux dans un processus. L’orchestration des processus et la data fabric d’Appian fournissent la base nécessaire pour tirer une valeur réelle de l’IA, tout en garantissant la sécurité des données », souligne Michael Beckley, directeur technique et fondateur d’Appian.

Arvind Krishna, IBM

Autre acteur, IBM promet, avec sa plateforme watsonx Orchestrate, la création d’agents IA en quelques minutes, sans compétence technique avancée. Un catalogue centralisé de 150 agents prédéfinis facilite leur adoption dans des fonctions comme les RH, la vente ou les achats. Au-delà de la création, IBM mise aussi sur l’observabilité : chaque agent peut être surveillé, optimisé et gouverné dans le temps. « L’ère de l’expérimentation de l’IA est révolue. Aujourd’hui, l’avantage concurrentiel provient de l’intégration de l’IA conçue à cet effet, qui permet d’obtenir des résultats commerciaux mesurables. Nous fournissons aux entreprises des technologies hybrides qui réduisent la complexité et accélèrent les mises en œuvre d’IA prêtes à être mise en production », indique Arvind Krishna, chairman et P-DG d’IBM.

Des écueils techniques et organisationnels

Le développement d’agents IA ne va pas sans défis. Des biais algorithmiques aux hallucinations en passant par la surconsommation de ressources et le respect de la vie privée, les écueils sont multiples. Comme dans tout projet, la montée en charge représente l’une des premières préoccupations pour les équipes IT, rappelle le cabinet de conseil Talan. « Gérer un nombre croissant d’agents tout en maintenant des performances satisfaisantes nécessite une architecture soigneusement conçue. » Obstacles tout aussi gênants, les conflits provoqués par différents agents dans des situations d’objectifs contradictoires : sans stratégie d’orchestration, ni mécanismes d’arbitrage, les tensions entre bots peuvent compromettre l’efficacité d’un système. À cela s’ajoutent les potentiels problèmes de latence dans les échanges d’informations entre agents, en particulier lorsque ceux-ci communiquent en temps réel dans des environnements distribués géographiquement ou soumis à de fortes contraintes réseau. Enfin, le volet de la sécurité des données confiées à ces agents est un point crucial, d’autant plus que l’IA agentique constitue une porte d’entrée pour tout type d’action malveillante. À charge pour les équipes techniques de s’assurer de la protection des robots, sans se contenter d’exploiter uniquement les outils mis à disposition par les différentes plateformes du marché. Si la supervision humaine s’impose pour garantir le bon fonctionnement du chiffrement ou le respect du RGPD, elle est également nécessaire pour contrôler les éventuelles dérives morales d’un système d’agents à qui on aurait lâché la bride. Les spécialistes préconisent donc des garde-fous éthiques intégrés by design. Des mécanismes préventifs qui limitent certaines actions exigent une validation humaine pour des décisions sensibles et exploitent des modèles prédictifs pour anticiper et bloquer des comportements problématiques avant leur manifestation.

La mise en œuvre de tels projets requiert une méthodologie rigoureuse mais les outils actuels rendent leur construction plus accessible que jamais. À l’heure où l’IA agentique a dépassé la simple promesse technologique, la question de repenser les flux de travail n’a pas disparu. Si le numérique est a priori soluble dans tout type de processus, faut-il automatiser de bout en bout dans une recherche d’optimisation du ROI ou cibler seulement certains processus ? La maturité de l’entreprise en terme de transformation, sa dette technologique et sa gouvernance sont les principaux facteurs qui façonnent une réponse globale. Mais une fois les robots adoptés, difficile de s’en séparer, soulignent les spécialistes.


Construire un agent IA, une méthode en six étapes

Voici une compilation des principales recommandations des experts du secteur pour mener à bien un projet. La promotion de la collaboration entre les équipes pour développer de nouvelles offres d’IA agentique et leur valeur commerciale est essentielle.

  1. Définir l’objectif et la portée du projet : identifier une problématique concrète à résoudre, fixer des indicateurs de succès, limiter le périmètre fonctionnel, motiver les équipes pluridisciplinaires chargées des processus opérationnels et des données.
  2. Préparer les données : collecter, nettoyer et labelliser les données nécessaires pour entraîner les modèles de l’agent.
  3. Choisir et entraîner les modèles : exploiter des frameworks et plateformes populaires pour construire et former les agents IA, des outils comme TensorFlow, PyTorch et les modèles GPT d’OpenAI par exemple. Les éditeurs d’IA émergents ne sont pas à négliger.
  4. Évaluer les performances : tester l’agent sur des cas réels, mesurer sa précision, son temps de réponse et la satisfaction des utilisateurs, travailler sur des métriques clés pour déterminer l’efficacité, mettre à jour continuellement les modèles en fonction de nouvelles données et des retours des utilisateurs.
  5. Optimiser et affiner : réduire les hallucinations avec une intervention humaine et des stratégies d’affinage pour corriger les erreurs, renforcer la compréhension contextuelle en mettant en œuvre des transformateurs et des intégrations contextuelles pour améliorer la compréhension, assurer l’efficacité des réponses avec des techniques d’inférence optimisées pour réduire la latence et assurer l’évolutivité.
  6. Déployer et maintenir : intégrer l’agent dans les systèmes d’information existants, CRM et ERP notamment, par le biais de connecteurs ou d’API, surveiller les performances avec des outils dédiés, adopter des stratégies d’apprentissage et d’amélioration continues en mettant régulièrement à jour les modèles IA pour les adapter aux besoins commerciaux changeants et aux tendances des données.

 

Frédéric Bergonzoli

heloisem