Accueil Géopolotique Accord Trump–UE : quel impact pour le numérique européen ?

Accord Trump–UE : quel impact pour le numérique européen ?

Henna Virkkunen vice présidente executive chargée de la souveraineté technologique, de la sécurité et de la démocratie - COPYRIGHT Commission européenne
Henna Virkkunen vice présidente executive chargée de la souveraineté technologique, de la sécurité et de la démocratie - COPYRIGHT Commission européenne

Un nouvel accord commercial conclu fin juillet entre l’Union européenne et l’administration Trump instaure un tarif de 15 % sur la majorité des exportations européennes vers les États-Unis. Si les secteurs industriels sont directement concernés (autos, semi-conducteurs, pharma), quelles retombées pour l’économie et les services numériques en Europe ?

Un accord asymétrique : l’industrie au premier plan, les services en ligne en second rang

L’accord impose un tarif de base de 15 % sur les importations européennes vers les États-Unis, incluant l’automobile, les semi-conducteurs et les produits pharmaceutiques, sans réciprocité claire sur les secteurs américains. Les services numériques, bien que mentionnés, ne semblent pas faire l’objet de mesures tarifaires spécifiques. L’Union assure « qu’elle n’adoptera pas ou ne conservera pas de frais d’utilisation du réseau » dans ce cadre, comme le mentionne la fiche factuelle publiée par la Maison Blanche

Données et régulation digitale : un statu quo protecteur

Malgré cet accord commercial, l’Union reste ferme sur son cadre numérique : le Digital Markets Act et le Digital Services Act seront maintenus et appliqués sans concession, afin de préserver la concurrence, la sécurité et la souveraineté numérique européenne. Par ailleurs, le Data Privacy Framework UE‑USA, adopté en 2023 pour assurer la circulation légale des données entre l’UE et les États-Unis, continue de faire l’objet de critiques et de recours devant la justice européenne

Entre risques économiques et résistances règlementaires

La montée d’un tarif unique de 15 % sur les biens en provenance de l’UE risque de réduire la compétitivité des exportations manufacturières, mais ne cible pas directement les services numériques. Les entreprises tech européennes pourraient voir une pression accrue sur les chaînes de valeur où hardware et services sont liés. Le risque principal reste indirect : un affaiblissement économique global pourrait freiner la capacité d’innovation numérique au sein du continent.

Un signal géopolitique qui fragilise l’autonomie technologique européenne

L’unilatéralisme tarifaire américain a relégué les services numériques au second plan, illustrant une EU qui cède des concessions commerciales pour préserver l’alliance stratégique avec Washington. En réponse, Bruxelles envisage d’activer son « Anti coercion instrument » pour riposter face à des pratiques jugées coercitives ou déséquilibrées. Cette dynamique renforce l’enjeu de l’intégration technologique européenne, par le biais des instances comme le Trade and Technology Council ou le renforcement du Digital Single Market.

L’accord commercial limité conclu avec Washington met sous tension l’industrie européenne exportatrice sans attaquer directement la sphère numérique. Pourtant, l’enjeu est bien là : la souveraineté numérique européenne repose sur des cadres réglementaires forts, réunissant données, concurrence et technologie. Face aux déséquilibres entre régulation américaine et ambitions européennes, l’heure est à la consolidation de l’édifice réglementaire et industriel numérique du vieux continent.