Accueil informatique 2038 : le métro parisien face à une bombe informatique programmée

2038 : le métro parisien face à une bombe informatique programmée

Le 19 janvier 2038 à 3 h 14, plusieurs lignes du métro parisien et du RER pourraient s’arrêter net. En cause : un bug informatique identifié depuis plus de vingt ans mais toujours présent dans certains systèmes embarqués. La RATP et Alstom se retrouvent désormais face à un risque majeur d’interruption de service, avec un compte à rebours déjà bien avancé.

Quand une donnée temporelle menace un réseau

Le cœur du problème réside dans la façon dont certains systèmes embarqués comptent le temps. Ils s’appuient sur un compteur qui mesure les secondes écoulées depuis le 1ᵉʳ janvier 1970, une méthode héritée des premières générations de systèmes Unix. Ce choix technique, anodin en apparence, impose une limite précise : au-delà d’environ 2 147 483 648 secondes, le compteur déborde et la date affichée bascule brutalement plusieurs décennies en arrière. Résultat : le système ne sait plus interpréter correctement l’heure, ce qui peut entraîner des anomalies critiques, voire l’arrêt complet de certaines fonctions essentielles.

Pour mesurer l’ampleur du risque, il faut se tourner vers les estimations publiées par Clubic, qui évoque jusqu’à neuf lignes de métro, plusieurs lignes de tramway et le RER A potentiellement concernés. Plus d’un million de voyageurs quotidiens pourraient être touchés si la bascule de 2038 provoquait une panne généralisée. Dans un réseau aussi interconnecté que celui de l’Île-de-France, une telle défaillance ferait rapidement boule de neige.

Au-delà du métro

L’affaire dépasse largement le cadre du transport parisien. Elle rappelle que les bugs temporels ne sont pas un problème d’hier : ils sont au cœur de l’infrastructure numérique mondiale. Le cas du métro illustre surtout le défi que posent les systèmes embarqués, dont les cycles de vie dépassent souvent les vingt ans. Lorsque ces équipements reposent sur des représentations de temps obsolètes, les correctifs deviennent difficiles, coûteux, parfois impossibles à déployer sans intervention lourde.

La question n’est plus seulement technique : elle est devenue judiciaire. Le tribunal administratif de Paris a estimé qu’Alstom avait livré du matériel dont la limite temporelle n’avait pas été clairement signalée à la RATP, alors même que ce type de vulnérabilité est documenté depuis la fin des années 1990. La justice impose désormais à l’industriel d’engager une correction complète des systèmes concernés, avec un calendrier strict de mise en conformité. Alstom a d’ailleurs fait appel de cette décision, estimant que la responsabilité du bug devait être réexaminée, même si l’industriel reste tenu de respecter, pour l’heure, les obligations de correction imposées par la justice.

Le 19 janvier 2038 peut sembler lointain. Mais comme le montre cette affaire, les infrastructures critiques n’ont pas le luxe d’attendre la dernière minute.