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« L’industrialisation de l’IA demande d’aligner quatre dimensions : data, métier, infrastructure et confiance »

À l’occasion d’Adopt IA, HPE dévoile la seconde édition de son baromètre sur la maturité de l’IA en France. Alors que deux tiers des organisations ont dépassé la phase pilote, seules 34 % se sentent capables de passer à l’échelle en toute sécurité. Philippe Rullaud, Sales Leader AI & Data chez HPE France, analyse cette bascule vers l’industrialisation, les attentes en matière de souveraineté et les défis de gouvernance qui freinent encore les entreprises.

SNC : Quels sont, selon vous, les enseignements les plus marquants de cette seconde édition du baromètre ?

Philippe Rullaud : Il y en a trois principaux. D’abord, on observe un franchissement de cap en France. Après une année de tests et d’expérimentations, parfois sans aboutir, on voit que l’écosystème s’est structuré : nouveaux modèles, frameworks plus performants, capacités d’analyse, de raisonnement et de décision qui donnent davantage confiance.

Résultat : on passe réellement de l’expérimentation à la mise en production. L’indice de maturité atteint 3 sur 5. On évolue d’usages périphériques vers un déploiement plus industriel, intégré aux processus métier. 29 % des entreprises ont déjà déployé l’IA à l’échelle, ce qui est significatif. 

« Ce n’est plus un terrain d’expérimentation : la France passe en production »

Vous évoquez une montée à l’échelle structurée. Comment les organisations s’y prennent-elles ?

P. R. : Deux éléments ressortent. D’abord, une demande massive de plateformes intégrées : 77 % des répondants souhaitent une plateforme modulaire, pré-assemblée, capable de réduire la complexité et de garantir performance, maintenabilité et évolutivité. C’est ce que nous proposons chez HPE.

Ensuite, la souveraineté. Avec l’IA, l’accès aux données, leur protection et les temps de latence deviennent critiques. Beaucoup d’entreprises veulent donc des scénarios hybrides : tester dans le cloud public, mais déployer sur le edge ou dans leur datacenter pour garder la maîtrise. 68 % des entreprises veulent cette approche hybride.

Deux tiers des organisations ont dépassé les pilotes, mais seulement 34 % se disent confiantes dans leur capacité à passer à l’échelle de manière sécurisée. Comment expliquez-vous cet écart ?

P. R. : Il faut aligner toutes les entités pour générer de la confiance : équipes projet, utilisateurs, compétences, sécurité des données, gouvernance… Cela prend du temps.

Les entreprises n’ont pas encore mis en place tous les éléments : la plateforme, les données, la stratégie data, les outils de pilotage, les mécanismes de contrôle des coûts, la gouvernance éthique, la communication interne pour rassurer. Il manque encore une gouvernance industrialisée.

RH et Juridique restent en retrait : un risque ?

P. R. : Oui, car ces fonctions doivent définir les compétences, les parcours de formation, les règles d’éthique, le comité de gouvernance. Beaucoup d’entreprises mettent seulement en place ces instances maintenant. C’est récent, mais indispensable pour 2026. L’IA impose une transformation globale. 

À quoi ressemble une gouvernance IA mature ?

P. R. : C’est la connexion entre quatre dimensions : le métier, la data, l’IT et la gouvernance éthique/juridique. Et la capacité à s’adapter vite, car les technologies évoluent très rapidement.

Les entreprises françaises ont posé les bases en 2024-2025. Elles entrent maintenant en phase d’implémentation.

Souveraineté : quels critères techniques ?

P. R. : La protection des données : garantir l’accès, éviter toute exploitation non contrôlée.
Cela passe par deux approches : déployer dans ses propres datacenters derrière son firewall, ou aller chez des acteurs souverains. Chez HPE, nous construisons un écosystème souverain autour de l’IA, avec des partenaires d’hébergement et des éditeurs français. 

Le cloud souverain français est-il à la hauteur ?

P. R. : Il se développe bien. On voit des approches pilotées par les grands acteurs du cloud public, mais aussi des acteurs français comme Orange Business ou OVH, avec lesquels nous avons des offres communes.

Notre objectif est de proposer une offre complète, intégrant processus métier, application et infrastructure, soit en datacenter, soit en hébergement souverain.

Comment industrialiser l’IA sans sacrifier la sécurité ?

P. R. : Il faut intégrer la sécurité dès le départ. Analyse processus par processus : quels risques, quelles données, quel niveau de confidentialité ?
À partir de là, décider si le déploiement doit être public ou souverain.

Notre rôle est d’apporter des plateformes intégrées, déployables rapidement, qui offrent le niveau d’innovation du cloud public tout en restant souveraines et prêtes pour la production. 

Avez-vous des exemples récents de déploiement en France ?

P. R. : Oui, nous avons communiqué sur le ministère des Armées, qui exploite une IA souveraine. Nous accompagnons également des industriels dans l’edge pour l’analyse vidéo, ainsi que de grandes entreprises – banques, assurances – qui rapatrient certains usages vers des environnements souverains. 

LLM propriétaires, open source : comment les clients arbitrent-ils ?

P. R. : Ils veulent du choix. Ils testent plusieurs modèles, sélectionnent celui qui apporte le plus de valeur selon l’usage, et évitent de dépendre d’un seul fournisseur.
En production, on voit souvent coexister plusieurs modèles : différents en taille, en précision ou spécialisés par domaine.

L’AI Act va-t-il accélérer ou freiner cette évolution ?

P. R. : Il va structurer. L’IA a besoin d’un cadre pour générer de la confiance. Cela peut freiner une accélération massive, mais c’est indispensable pour sécuriser et gouverner les usages. 

Les budgets suivent-ils les ambitions ?

P. R. : Oui. 2025 a servi à formaliser les budgets pour 2026. Beaucoup d’entreprises ont défini des budgets IA plus importants, ce qui va permettre d’accélérer. 

Un conseil pour passer du test à la production en restant souverain ?

P. R. : Avoir une approche volontariste et mettre en place la gouvernance adéquate : data, métier, infrastructure et confiance. Ce sont les ingrédients du succès. 

Qu’allez-vous surveiller dans les prochains mois ?

P. R. : La croissance des usages réels en entreprise : la vitesse de déploiement, l’évolution entre cloud privé et public, les secteurs qui accélèrent, et les retours des organisations qui réussiront à passer à l’échelle. 

Un dernier mot ?

P. R. : Chez HPE, nous investissons dans des plateformes intégrées pour accélérer le passage des pilotes à la production, avec les innovations nécessaires, déployables en mode souverain et deux fois moins coûteuses que le cloud public. L’objectif est de simplifier la complexité technique et de permettre aux équipes de se concentrer sur la valeur métier.