À l’occasion d’un échange approfondi avec les équipes de Zebra, suivi d’une démonstration de plusieurs cas d’usage autour de la vision industrielle, de la RFID et de la robotique, nous nous sommes entretenus avec Frédéric Bismut, vice-president Europe du Sud & Afrique, et David Canonico, directeur technique pour la même région.
Ils détaillent la stratégie « human centric », l’usage de l’IA dans la vision industrielle, la RFID en retail et logistique, l’automatisation robotique et les premiers gains constatés chez les industriels.
Solutions Numériques & Cybersécurité : Vous parlez désormais d’« opérations intelligentes human centric ». Concrètement, qu’est-ce que cela change ?
Frédéric Bismut : Nous avons structuré notre approche autour de trois axes.
Le premier, c’est tout ce qui touche les frontline workers, notre cœur historique : les
terminaux mobiles dans les mains des opérateurs en entrepôt, des livreurs, des
préparateurs de commandes, ou du personnel hospitalier qui a besoin d’informations en
temps réel.
Le deuxième, c’est l’asset visibility : digitaliser les actifs via la RFID, les tags, les
imprimantes, pour assurer une traçabilité fine.
Le troisième, c’est l’intelligent automation : robotique, machine vision, systèmes fixes qui
viennent soutenir l’opérateur. L’humain reste au centre : nos solutions sont dans ses mains
ou facilitent directement son travail.

David Canonico, directeur technique pour la même région. Crédit : Zebra.
SNC: Quelles tâches restent totalement humaines ?
Frédéric Bismut : L’immense majorité. En retail, tout ce qui se passe en magasin — conseil, scanette, préparation de drive, vérification de disponibilité — reste humain. Nous apportons la mobilité, la réactivité, l’intelligence nécessaire à ces rôles.
En transport, le livreur a toujours un device. Dans la santé, la gestion du patient reste un
parcours humain équipé. En manufacturing et logistique, vérifier des pièces, réceptionner
des palettes, préparer des commandes : ce sont des tâches humaines augmentées par nos
outils.
SNC : Quels cas d’usage de vision industrielle sont les plus avancés ?
David Canonico : La lecture massive de codes-barres en logistique. Plus on lit de
codes-barres automatiquement et rapidement, plus on améliore la productivité et la fiabilité.
Un exemple clé : les portiques en sortie de quai. Ils lisent automatiquement les palettes
avant leur chargement. On évite ainsi les erreurs d’expédition, qui coûtent cher : un client
non livré, un autre livré par erreur, et des retours à gérer.
Nous installons aussi des tunnels qui lisent toutes les faces d’un carton et déclenchent
automatiquement le workflow adapté. C’est une automatisation très utile pour sécuriser les
flux.

SNC : Où intervient l’IA dans vos solutions ? Comment gérez-vous la fiabilité ?
David Canonico : Elle intervient dans tout ce qui est lecture d’images, OCR et extraction d’informations. L’IA permet aujourd’hui une efficacité supérieure aux traitements classiques.
Mais nous travaillons sur des cas d’usage très ciblés. On connaît les métiers de nos clients
et leurs contraintes : cela réduit le spectre et limite les erreurs que peuvent produire des IA
généralistes. Nous avons déjà des agents IA pour aider, par exemple, un nouvel opérateur à devenir autonome très rapidement, ou pour détecter automatiquement des erreurs de rayonnage ou de placement.
SNC : Observez-vous un basculement vers l’Edge ?
David Canonico : Oui. Au début, on dépendait du cloud pour les traitements IA. Aujourd’hui, pour des raisons de coûts, de latence et de sécurité, beaucoup de clients veulent traiter localement. Nos nouveaux terminaux intègrent des NPU capables d’exécuter les modèles sur l’appareil lui-même. Cela évite les transferts et renforce la sécurité.
SNC : Sur la robotique autonome, quelles demandes dominent ?
Frédéric Bismut : Le marché est encore émergent, donc on se concentre sur quelques workflows. Le principal, c’est le goods-to-person, où le robot amène à l’opérateur les bacs, cartons ou marchandises nécessaires.
On évite le spécifique systématique, car cela exigerait des études très lourdes. On se
focalise sur des usages standardisables, avec un ROI clair pour le client.
SNC : L’intégration est-elle plug and play ?
David Canonico : Non. Les robots doivent s’intégrer au WMS, WCS ou MES du site. C’est une intégration logicielle avec une vraie phase de conseil. C’est pour cela qu’on limite
volontairement les workflows : pour garantir que l’intégration soit maîtrisée et viable.
SNC : Quels secteurs avancent le plus vite sur la RFID ?
Frédéric Bismut : Le retail non-food, et surtout le textile. C’est le moteur en Europe : pratiquement tous les articles sont tagués dans certaines enseignes.
Inventaire, disponibilité produit, ship-from-store, état des stocks : tout est géré grâce à cette traçabilité. En manufacturing et logistique, la RFID progresse sur des flux ou produits à forte valeur, ou sur des zones précises, pas encore sur des sites complets.
SNC : Quels bénéfices concrets en transport/logistique ?
David Canonico : L’inventaire complet reste compliqué en très grand entrepôt, mais la RFID est excellente pour la traçabilité des mouvements.
On sait précisément quand un produit franchit une porte, entre ou sort de l’entrepôt, ou
monte dans un camion. Cela réduit les erreurs d’aiguillage et améliore la visibilité.
SNC : Et dans la santé, comment gérez-vous la sécurité des données patients ?
David Canonico : Zebra dispose de certifications de sécurité spécifiques aux terminaux mobiles professionnels.
Nous ajoutons des solutions comme Identity Guardian : l’infirmière s’authentifie par
biométrie faciale, liée à son badge (pas à l’appareil). C’est essentiel, car les terminaux sont
mutualisés. Globalement, un terminal mobile peut être plus sécurisé qu’un PC fixe partagé, grâce aux couches de sécurité que nous ajoutons sur Android.
SNC : Accompagnez-vous les industriels sur les sujets cyber ?
Frédéric Bismut : Oui, surtout en amont : échanges avec les RSSI, vérification de la conformité à leur politique de sécurité, intégration réseau.
Nous travaillons aussi avec nos partenaires pour expliquer les normes et accompagner les
clients. En déploiement, on se concentre sur l’usage ; la partie cyber est validée avant.
SNC : Quels sont les premiers quick wins après un déploiement Zebra ?
Frédéric Bismut : Pour un site non équipé en mobilité, les gains sont immenses : traçabilité en temps réel, préparation de commandes guidée, réduction des erreurs, productivité accrue. Les opérateurs voient leur travail transformé.
Pour un client qui modernise un parc existant, les gains portent sur les nouvelles versions
d’Android, les lecteurs plus performants, l’autonomie des batteries et l’extension de
l’équipement à de nouveaux postes. Les bénéfices les plus rapides concernent les terminaux mobiles et la machine vision. La robotique s’inscrit dans un temps plus long.
SNC: Comment travaillez-vous la circularité et l’efficacité énergétique ?
Frédéric Bismut : Nos produits sont conçus pour durer 5 à 10 ans, avec des programmes de reprise et de reconditionnement. Certains clients demandent qu’une partie de leur parc soit issue de la seconde main.
David Canonico : Sur l’énergie, nous améliorons la consommation dès la conception.
Et nous aidons les clients à réduire la leur : par exemple, en remplaçant plusieurs PC fixes
par un seul terminal mobile qui, posé sur un dock, devient un poste de travail complet.
Camille Suard





