Dans la cybersécurité comme dans la plupart des métiers techniques, les femmes restent rares. Pourtant, certaines dirigeantes ouvrent la voie à des modèles plus équilibrés. C’est le cas de Sophie Benyamin, fondatrice de Bkube, une jeune pousse spécialisée dans la sauvegarde souveraine, qui peut revendiquer aujourd’hui une équipe paritaire. Pour autant, la cheffe d’entreprise refuse tout discours sur la parité « vitrine » et prône une approche pragmatique.
Une question de légitimité
« Je ne me suis pas demandé si le fait d’être une femme allait influencer ma légitimité avant de me lancer, confie-t-elle. Je venais d’études commerciales, je voyais un besoin dans la cybersécurité, j’ai voulu y répondre. Ce n’est qu’une fois sur le terrain que j’ai compris certains freins, notamment en matière de crédibilité. »
Jeune, issue d’un cursus non technique, la fondatrice a dû, dit-elle, « gagner en confiance » et « asseoir son discours ». Mais pour elle, le genre n’explique pas tout : « Être une femme, être jeune, arriver avec une innovation qui bouscule les habitudes… tout cela forme un faisceau de facteurs. »
Éviter la discrimination positive
Aujourd’hui, Bkube compte autant de femmes que d’hommes sur les postes techniques. « Nous avons eu la chance de recruter une femme sur un poste clé en cybersécurité, et nous comptons trois femmes pour trois hommes côté technique », précise Sophie Benyamin.
Mais cette réussite ne tient ni du hasard ni d’une politique de quotas. « J’ai signé le pacte parité de la French Tech, mais je refuse la discrimination positive. Le but n’est pas d’avoir de “bonnes statistiques” à montrer, c’est de construire une équipe compétente et juste. »
Elle insiste : « Je ne peux pas, pour la performance de mon entreprise, recruter quelqu’un moins qualifié juste pour équilibrer un ratio. La justice est une valeur essentielle dans ma manière de travailler. »
Un positionnement qu’elle sait minoritaire, mais qu’elle revendique : « J’ai parfois été intégrée à des programmes d’entrepreneuriat en me demandant si c’était pour mes compétences ou pour respecter un quota féminin. Ce sentiment d’illégitimité, ce n’est pas un progrès. »
Le vrai défi : la représentativité
Pour la dirigeante, la clé n’est pas dans les quotas, mais dans la visibilité des femmes déjà présentes.
« Je crois beaucoup à la représentation. Si on mettait plus en lumière les femmes qui ont réussi, sans discours artificiel, cela aiderait les jeunes à se projeter. J’interviens régulièrement dans des écoles ou des conférences pour montrer qu’on peut entreprendre dans la tech, même sans profil d’ingénieure. »
L’autre enjeu, selon elle, se joue plus en profondeur : dans la culture managériale et les mentalités. Quand on questionne la fondatrice de Bkube à propos de la fuite des talents féminins dans la tech, elle répond : « Certaines femmes quittent le secteur ou refusent les postes de direction parce qu’elles anticipent des difficultés à manager certains profils masculins, moins à l’écoute. Je le constate aussi : il y a encore des comportements biaisés, souvent inconscients, qui freinent la confiance et la légitimité. »
Une utopie ? Pas forcément
Alors, une équipe paritaire dans la tech, est-ce une utopie ?
« Non, mais c’est un équilibre fragile », conclut Sophie Benyamin. « Nous y parvenons aujourd’hui, mais si demain nous devons recruter cinquante personnes, ce sera plus difficile », nuance la fondatrice de Bkube. « Il y a trop peu de femmes dans les filières techniques. Tant que le vivier restera déséquilibré, il faudra redoubler d’efforts pour que la parité ne soit pas qu’un mot. »