COSMO CONSULT, groupe international d’origine allemande et partenaire majeur de Microsoft, a co-créé avec le collectif Green IT le référentiel REIPRO, dédié à l’éco-conception des progiciels. Dans cette interview, Grégory Levraut, sponsor RSE et chef de projet, explique comment cette initiative s’intègre à la stratégie du groupe, ses applications concrètes et ses ambitions pour l’avenir.
SNC : Qu’est-ce qui vous a motivé à co-créer ce référentiel avec le collectif Green IT ?
Grégory Levraut : Ce que j’ai apprécié, c’est que ça ne se limite pas à un gadget pour sites internet, ça va bien au-delà. Se cantonner à l’écoconception de sites web ne suffirait pas au regard des enjeux planétaires. Chaque acteur a à réfléchir à son cœur de métier. Les meilleures solutions viendront de celles et ceux qui vivent leur métier au quotidien, même s’il est utile d’être accompagné par des collectifs.
Comment s’est déroulé le travail en co-construction avec vos équipes et les membres du collectif ?
G. L. : Tout le monde a été impliqué. Dès qu’un point est remonté, je l’examine avec mon regard interne : est-ce utile pour nous aussi ? Est-ce que ça nous aide à progresser ? Le principe du collectif, c’est d’avancer ensemble : on est plus forts collectivement que chacun de notre côté.
À quoi ressemble le référentiel aujourd’hui, concrètement ?
G. L. : Le référentiel est accessible librement sur GitHub. Le collectif travaille déjà à une version plus ergonomique. Pour l’instant, il est composé d’environ 115 fiches de bonnes pratiques, un nombre amené à évoluer. Chaque organisation peut s’autoévaluer, voir où elle se situe, et définir un plan d’action pour s’améliorer dans le temps. Et libre à elle d’ajouter des indicateurs propres, selon ses spécificités.
Pouvez-vous donner une (ou deux) bonnes pratiques simples, mais particulièrement efficaces ?
G. L. : La première, et celle qui paraît la plus évidente, est de travailler à partir du « besoin réel ». Nous avons introduit la frugalité numérique selon trois angles : utile, utilisable, utilisé. Quand un client demande une fonctionnalité, il faut toujours se poser : est-ce indispensable ? Sera-t-elle vraiment utilisée ? Nos constats sont frappants : plus de la moitié des fonctionnalités demandées ne sont jamais utilisées. Et pourtant, les développer coûte en ateliers, documentation, code… tout cela génère pollution, émissions, et des coûts pour le client.
Dans le référentiel, certaines fiches guident cette réflexion. Elles insistent aussi sur les postures : savoir dire non, proposer des alternatives, retarder un développement. Cela évite à la fois le gaspillage technique et des frais inutiles pour le client.
Un exemple : un client souhaitait un tableau de bord mis à jour chaque minute. Nous l’avons invité à envisager une mise à jour toutes les quinze minutes. C’est une différence minime côté usage, mais qui réduit fortement la consommation de ressources.
Comment ce référentiel s’intègre-t-il dans vos pratiques internes chez COSMO CONSULT ?
G. L. : Nous avons traduit chaque fiche en actions internes. L’idée n’est pas de cocher des cases, mais de questionner en amont le « pourquoi » d’un besoin. Nous avons lancé des campagnes de sensibilisation auprès des équipes, revu nos modèles de documents dès la phase de prospection pour y intégrer l’éco-conception, et mis en place des indicateurs de suivi. Par exemple, nous pouvons désormais quantifier la proportion des demandes spécifiques qui intègrent une réflexion numérique responsable. Nous visons à atteindre 100 %.
Nous avons aussi institué des programmes de décommissionnement pour les développements spécifiques qui ne sont plus utilisés (ils continuent souvent à consommer des ressources). Cela s’accompagne d’un travail de formation pour aider les équipes à dire non ou proposer des alternatives, ainsi que d’outils internes comme des « échographies de projet » pour évaluer criticité et impact environnemental de chaque choix technique. L’objectif c’est de donner au client les clés pour décider en conscience et progresser ensemble.
Envisagez-vous de transformer ce référentiel en une certification à l’avenir ?
G. L. : Oui, c’est précisément l’ambition. Le but est qu’il devienne une base robuste, évolutive, et qu’à terme il puisse servir de référence ou norme reconnue, potentiellement à l’échelle gouvernementale. Sans cadre commun, chaque démarche reste isolée et s’essouffle. Avec ce référentiel collectif, on souhaite instaurer un cadre embryonnaire de normalisation utile à tout l’écosystème.
Pour nous, c’est aussi un choix stratégique et un élément de crédibilité. COSMO CONSULT est déjà fortement orientée qualité, notamment dans les secteurs critiques comme le médical et les sciences de la vie, où les enjeux de conformité sont majeurs. S’engager dans l’éco‐conception et ouvrir une partie de notre démarche avec Green IT nous permet d’aligner qualité et responsabilité environnementale. Bien sûr, partager expose au risque que certains concurrents s’inspirent sans contrepartie. Mais nous croyons que l’ouverture et la collaboration sont indispensables : si personne ne fait l’effort, on n’avance pas.
Quel message souhaitez-vous adresser aux DSI et décideurs encore hésitants ?
G. L. : Il faut agir dès maintenant. Être proactif, c’est pouvoir influencer les futures réglementations plutôt que les subir. Ce n’est pas qu’une question d’écologie ou de qualité : c’est une responsabilité collective. Nous n’avons qu’une planète, et préserver ce bien commun devient urgent. Cela demande des efforts, certes, mais cela peut aussi devenir un atout différenciateur sur le marché.