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Banque de France : « L’Europe ne peut plus attendre son euro numérique »

Le gouverneur de la Banque de France hausse le ton. Dans un entretien à la revue Le Grand Continent, François Villeroy de Galhau a dénoncé la lenteur des avancées sur le projet d’euro numérique, pourtant présenté comme une priorité stratégique pour la fin de la décennie.

Un projet ralenti par les résistances bancaires

Alors que le Parlement européen débat encore du cadre législatif, le gouverneur regrette un processus trop lent, alimenté par les réticences de certaines banques privées. Celles-ci redoutent une fuite des dépôts de leurs clients si une monnaie digitale officielle venait concurrencer leurs services. Villeroy de Galhau juge cette crainte « à courte vue », estimant que les établissements risqueraient davantage en l’absence d’une solution souveraine, face à la montée des alternatives privées.

Le spectre des stablecoins et des Big Tech

Le gouverneur brandit un risque plus large : celui de voir l’Europe dépendre demain d’une « quasimonnaie » en dollars, par le biais des stablecoins comme Tether ou USDC, émis par des acteurs non européens. Plus largement, l’euro numérique est perçu comme une réponse à la domination croissante des solutions de paiement portées par les géants américains (Apple Pay, Google Pay) et chinois (Alipay, WeChat Pay). Sans initiative publique crédible, les flux financiers du Vieux Continent pourraient s’ancrer durablement hors d’Europe.

Un calendrier qui s’allonge

Le projet entre dans une phase charnière : la période préparatoire s’achève en octobre, mais l’adoption du cadre législatif est désormais attendue au deuxième trimestre 2026, selon le membre du directoire de la BCE Piero Cipollone. Il faudra ensuite encore deux à trois ans de déploiement avant que les Européens puissent utiliser un euro numérique sur leurs smartphones. Un glissement de calendrier qui fragilise la crédibilité du projet, alors que la Chine a déjà avancé dans le déploiement de son yuan numérique et que les États-Unis multiplient les expérimentations autour du dollar digital.

Enjeux pour les entreprises et la cybersécurité

Derrière l’enjeu symbolique, l’euro numérique pourrait transformer en profondeur les paiements B2B, en offrant des transactions plus sûres, plus rapides et moins coûteuses. Mais il soulève aussi des débats cruciaux sur la confidentialité des données, le rôle des intermédiaires bancaires et la cybersécurité. Autant de questions que les décideurs européens devront trancher rapidement, sous peine de voir l’Europe reléguée au second plan de la bataille mondiale des monnaies digitales.