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AVIS D’EXPERT – Blanchiment, usurpation, faux documents : les failles invisibles de la lutte anti-fraude

L’analyse de Marc de Beaucorps, cofondateur de Finovox et spécialiste de la lutte contre la fraude documentaire, pour nos lecteurs.

 

Malgré le renforcement des mesures contre le crime organisé, les réseaux frauduleux s’adaptent rapidement. Les déclarations de soupçon des compagnies d’assurance à Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) ont bondi de 30 %, et les sanctions de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) se multiplient. Pourtant, une faille critique persiste : le faux document. Devenu un moyen de contournement industrialisé, il dépasse le simple défi de conformité et menace directement la crédibilité des institutions.

Le faux document : la clé du blanchiment moderne

Tout commence par un justificatif falsifié pour ouvrir un compte bancaire, souscrire un contrat, obtenir un prêt ou accéder à des aides publiques. La fabrication de faux documents n’est plus réservée à des spécialistes. Aujourd’hui, en quelques clics, n’importe qui peut générer un document falsifié. Cette banalisation fragilise l’ensemble des dispositifs de contrôle et brouille la frontière entre vrai et faux.

Tous les secteurs sont touchés. Dans les banques, ces faux documents contournent les procédures KYC, introduisent des fonds suspects ou permettent l’ouverture de comptes au nom de prête-noms. Côté assurances, des factures modifiées permettent de souscrire à de fausses conditions, voire de réclamer des indemnisations indûment. L’immobilier est lui aussi concerné  fiches de paie trafiquées ou contrats de travail inventés facilitent le blanchiment et l’accès abusif aux aides au logement. Le secteur public, enfin, débloque chaque jour des prestations et subventions sur la foi de justificatifs non vérifiés.

Pourtant, les dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) restent centrés sur l’analyse des flux et les bases de données. Cette approche, bien qu’essentielle, passe à côté d’un point de fragilité majeur : les justificatifs eux-mêmes. Or ce sont ces pièces falsifiées qui peuvent ouvrir la voie au narcotrafic, à la traite d’êtres humains ou au terrorisme.

Vers une nouvelle approche du contrôle documentaire

Face à l’augmentation continue du volume de dossiers, les équipes de conformité sont confrontées à une charge croissante qui rend la détection manuelle de plus en plus complexe. Il devient donc nécessaire d’adapter l’approche de la lutte contre les faux documents : renforcer la sécurisation des dispositifs dès l’entrée, en intégrant pleinement le contrôle documentaire au cœur des stratégies de prévention de la fraude.

Cette évolution nécessite également une adaptation des outils, des processus et des compétences. Le contrôle documentaire doit être considéré comme une fonction à part entière, intégrée aux dispositifs de conformité. Cela implique une meilleure coordination entre les équipes opérationnelles, les fonctions IT et les services de contrôle interne, ainsi qu’une formation renforcée aux nouveaux enjeux liés à la manipulation et à la détection de documents falsifiés.

Des technologies existent déjà pour analyser automatiquement les documents, repérer les incohérences et générer des alertes fiables, sans impact pour l’utilisateur. Elles ne remplacent pas les contrôleurs, elles les accompagnent, réintroduisant une forme de maîtrise dans les circuits de vérification.

Renforcer le contrôle documentaire pour contrer la fraude à la source

La vérification des justificatifs ne doit plus être perçue comme une simple formalité administrative, mais comme un levier stratégique dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En intégrant le contrôle documentaire dès le départ, les institutions peuvent mieux détecter les anomalies et limiter l’impact des documents falsifiés sur leurs systèmes, consolidant ainsi l’ensemble de leurs dispositifs de conformité.