Accueil Confidentialité des données Interview – Gaël Duval réinvente les smartphones Android libérés de Google, fondés...

Interview – Gaël Duval réinvente les smartphones Android libérés de Google, fondés sur le respect des données

Gaël Duval

/e/ Foundation, créée par Gaël Duval, pionnier du logiciel libre et créateur de Mandrake Linux, lance les premiers smartphones équipés de /e/OS, un nouveau système d’exploitation, et de services associés en ligne. L’OS et ses services, installés sur des mobiles reconditionnés, sont conçus pour garantir la confidentialité et la sécurité des données des utilisateurs.

Après plus d’une année de développement, ces smartphones qui se veulent respectueux de la vie privée arrivent sur le marché. Les premières livraisons de ces mobiles sans l’OS de Google, mais avec un OS d’un genre nouveau, vont débuter.
/e/ est un écosystème mobile constitué d’un système d’exploitation totalement libéré de Google, forké d’Android, et qui reste compatible avec les applications Android, ainsi que les services en ligne. Il comprend les alternatives Cloud, moteur de recherche, courrier électronique ou calendrier… tous utilisables avec un compte unique /e/. Le système d’exploitation est installé par /e/ Foundation sur des téléphones compatibles reconditionnés de première qualité.

Solutions Numériques : pourquoi un fork d’Android ? Android n’est-il pas assez ouvert ?

Gaël Duval : Android, c’est un système d’exploitation open source, mais aussi maintenant des services en ligne comme le Google Play Store, etc., et au-dessus un jeu d’applications par défaut, qui sont souvent liées à Google et qui ne sont pas du tout ouvertes.
Par exemple, la géolocalisation Android utilise des services de Google, certaines applications proposent par défaut des comptes Google. Pire, le navigateur web par défaut envoie des d’informations à Google (DNS, donc historique de navigation par exemple), propose Google Search par défaut.
Android n’est « ouvert » que dans les couches basses. Quoi qu’il en soit, tout est fait pour que soit envoyé un maximum d’information, c’est-à-dire plus de 11 Mo par jour en moyenne et par utilisateur, selon l’étude d’une universitaire américaine de 2018. Notre mission numéro 1 est donc de nettoyer tout ça pour proposer une base saine.

L’e-smartphone

Quelles sont les principales applis qui seront disponibles au démarrage et dans l’année ?

Nous ne réinventons pas la roue, mais nous proposons des alternatives saines et parfois modifiées pour être plus agréables et simples à utiliser par un large public.

Quelle messagerie de courrier électronique ?, messagerie instantanée ?, navigateur ?

L’application de courrier électronique est un « fork », une version modifiée, de K-9 mail, qui propose une interface graphique plus simple à appréhender que la version originale, et propose par défaut de pouvoir chiffrer les messages.
La messagerie instantanée est pour l’instant Telegram, mais chacun peut installer l’application souhaitée. Nous permettrons à l’avenir de désinstaller la plupart des applications par défaut.
Après pas mal d’expérimentations, nous avons finalement choisi Chromium comme navigateur par défaut. Mais pas n’importe quelle version de Chromium : nous la nettoyons de tous les appels à Google et nous proposons des moteurs par défaut qui sont différents, notre propre méta-moteur de recherche par défaut, et choix alternatifs : Qwant et DuckDuckGo.

/e/
/e/ : un écosystème mobile complet

L’achat et le SAV des téléphones, même conditionnés, demande un investissement…

Nous travaillons avec des partenaires pour proposer des smartphones reconditionnés (de grade « A ») dans des conditions qui ne nécessitent pas de gros investissements. C’est un avantage par rapport à un smartphone « neuf » par exemple, qui nécessiterait de passer commande pour 10 000 pièces minimum, et donc des investissements plus conséquents.

Prévoyez vous uniquement la diffusion des smartphones par Internet ? Un réseau de distributeurs ?

Pour l’instant, nous distribuons en direct seulement. Nous ne sommes pas loin de 1 000 personnes déjà enregistrées au bout d’une semaine, c’est un très bon début [NDLR : interview réalisée le 15 mai]. 

/e/OS
/e/OS, une interface soignée

Quels sont vos objectifs pour la première année ? Et ensuite ?

Notre objectif à ce stade est de pérenniser le projet bien entendu, mais aussi prouver qu’il y a une vraie appétence pour une technologie plus vertueuse. La protection des données perso, ça va bien avec les droits de l’homme, le bio, le développement durable. Et ça tombe bien : moins de data, c’est aussi moins de consommation énergétique, donc plus de batterie, moins d’impact carbone.
En termes de croissance, nous souhaitons « conquérir » plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs dans les 12 prochains mois.

Un bref retour en arrière sur Mandrake Linux, dont on n’entend plus parler depuis des années. La distribution a-t-elle disparu ?

A ma connaissance, la société a été rachetée il y a quelques années par un fond russe, et a fini par disparaitre. La distribution existe toujours en revanche, avec deux couleurs différentes, principalement : OpenMandriva d’un coté, et Mageia de l’autre.
Quoi qu’il en soit, cette distribution Linux aura, je crois, et je m’en aperçois maintenant, marqué son temps. Elle a ouvert la voie au « Linux desktop », qui reste marginal mais porteur d’un vrai idéal.