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Dématérialisation des factures : un passage obligé

Dématérialisation des factures : un passage obligé !

En tête des projets de transformation numérique, la facture électronique se heurte encore à une adoption lente. Alors que les prestataires multiplient les solutions et démontrent leur ROI, les entreprises vont devoir se plier aux évolutions du marché national et européen. Pour les professionnels, tous les voyants sont au vert pour s’y mettre.

Fastidieuse : le qualificatif est peu séduisant lorsque les entreprises évoquent la mise en œuvre de la dématérialisation de leurs factures. Elles sont encore nombreuses à traîner des pieds : sur les 2,5 milliards de factures générées annuellement par les entreprises et l’administration, 5 % sont au format électronique. Alors que l’Etat prépare l’obligation de la facturation électronique pour les fournisseurs de la sphère publique via son portail Chorus Pro 2017, le retard français est indéniable. Un long parcours avant d’atteindre les champions nordiques de l’e-facture, notamment le Danemark et la Norvège qui, contraints par leur gouvernement, ont vu leurs entreprises passer au tout numérique ou presque.

« L’EDI fiscal est assez structurant en termes de mise en place car il y a des contraintes d’archivage. »

Eric Breteche, Itesoft

Si Bercy impose aux entreprises françaises la facturation électronique, le débat sera définitivement clos, mais, pour le moment, la pression vient des grands donneurs d’ordres, en avance sur ce point et qui poussent leurs partenaires à passer le cap. Comme bien des projets, l’intérêt de la facture électronique réside d’abord dans le potentiel des économies qu’elle permet de réaliser. S’y ajoute le volet législatif qui encadre la conformité. On parle alors de dématérialisation fiscale. De fait, la dématérialisation de factures n’est pas obligatoirement fiscale : une facture numérisée au format PDF n’a rien de légal, il s’agit plutôt d’une dématérialisation de confort, nécessitant de conserver le document dans son format papier pour être en conformité, notamment si l’entreprise doit établir une piste d’audit. “Les entreprises qui ne sont pas au fait des obligations de la dématérialisation fiscale doivent faire preuve de bon sens et partir du principe qu’il faut respecter la loi (authenticité de l’origine de la facture, intégrité du contenu, lisibilité, conservation dans un environnement à vocation probatoire). Envoyer une facture PDF par mail n’est pas conforme, ce n’est pas le mode d’envoi qui prime mais la conception de la facture de bout en bout”, rappelle Alban Verchère, responsable développement numérique chez Locarchives.

Alban-VERCHERE_locarchives« Parmi les freins, la réticence des chefs d’entreprise à bouleverser leur organisation, à changer de culture sous la contrainte de l’évolution du marché . »

Alban Verchère,Locarchives

Fournisseur émetteur ou client récepteur

Il y a toujours un émetteur et un récepteur de factures, un fournisseur et un client. Côté émetteur, l’objectif est de passer au 100 % numérique pour une logique de coûts mais aussi d’image de marque, quitte à poursuivre la production de factures au format papier à destination de clients réticents. Côté récepteur, on cherche à alimenter les ERP et PGI, et optimiser ainsi des workflows. Emetteur ou récepteur, toute entreprise endosse les deux rôles à la fois. Mais celle qui envoie ses factures est confrontée à une opération plus simple. “On voit essentiellement des projets de factures sortantes, parce qu’une majorité d’entreprises sont en position de fournisseurs. Les projets de factures entrantes sont plus complexes et coûteux car il y a beaucoup plus de documents à gérer”, explique Stéphane Jobard, directeur des opérations chez TX2 Concept. La gestion des flux entrants nécessite en effet de considérer l’aspect organisationnel de l’entreprise et d’identifier les circuits de validation. La transposition électronique de ce process se fait en moyenne en quatre à cinq mois, alors que pour la facture sortante, l’entreprise se contente de fournir des flux à son prestataire. Les deux projets ne sont jamais menés de front et peuvent être démarrés indépendamment l’un de l’autre. Le ROI attendu est cependant beaucoup plus important sur du flux entrant que sortant : le coût global d’une facture papier émise est estimé en moyenne à 8 euros, celui de sa version électronique à 5 euros. Il est plus élevé pour celui qui la reçoit, près de 14 euros en version papier et environ 7,5 euros en version électronique.

« Mettre plus de contraintes à l’échange d’une facture électronique qu’à celui d’une facture papier est une hérésie. »

Stéphane Jobard, TX2 Concept

EDI, PDF, XML et piste d’audit

En plus du papier, qui reste majoritaire dans l’échange de factures, il existe trois canaux d’intégration des factures électronique. Le premier repose sur l’usage de l’EDI (Echange de Données Informatisées) qui consiste à échanger des ensembles structurés d’informations conformément à des modalités de sécurité convenues entre les deux parties fournisseur et client. Un support transactionnel étant requis pour le transport des données, les solutions EDI s’appuient soit sur un réseau privé, soit sur Internet (Web EDI) ou bien sont externalisées. L’intérêt d’une facture reçue au format EDI est de pouvoir alimenter directement les ERP. Mais la solution nécessite une intégration dans le SI, en moyenne 3000 euros sans compter le prix à payer pour chaque facture, un coût qui a largement baissé mais qui freine encore les entreprises. En plus d’une infrastructure logicielle en amont et en aval, la mise en œuvre de l’EDI impose un respect de normes répondant aux exigences fiscales : non seulement la facture reçue doit comporter une quarantaine de champs dans lesquels les données sont conformes aux dispositions réglementaires, mais il faut la conserver pendant au moins dix ans. Autant de conditions qui orientent les PME vers des prestataires dont les plateformes assurent automatiquement ces opérations. L’approche Web EDI est quant à elle destinée aux petites structures dont les clients recherchent un fournisseur “EDI compatible”. Moyennant 500 euros de mise en œuvre puis une cinquantaine d’euros par mois, ces TPE se connectent sur une interface Web pour récupérer les commandes de leurs clients dans un format lisible, et réaliser ensuite une facture fiscalement dématérialisée.

Deuxième canal, le PDF signé, fichier de données non structurées embarquant une signature électronique, ou le fichier structuré et normé XML, accompagné d’une signature externe, et dont le but est de décrire informatiquement le contenu de tout document. Ces deux approches sont fiscalement opposables en cas de contrôle mais le PDF est plus utilisé que XML, une réalité que les spécialistes expliquent par le fait que le PDF reproduit une image de la facture visible à l’écran alors qu’un fichier XML est une suite de codes et balises hérités du langage SGML. Il existe en outre de nombreux formats XML différents et autant de connecteurs commercialisés pour lire le format XML attendu par le client, bien que certaines solutions arrivent à contourner cette hétérogénéité.

“Le critère de choix entre EDI et PDF est lié au volume : lorsqu’on dépasse la trentaine de factures par semaine le choix de l’EDI prend tout son sens parce que cela veut dire que de l’autre côté on a eu une trentaine de commandes. De plus, lorsqu’on arrive à mettre en place l’EDI sur l’ensemble d’un flux, le ROI est extrêmement intéressant en termes de temps de saisie, alors que lorsqu’on met en place de la simple facture PDF il n’y a quasiment ni gain de temps ni automatisme, il n’y a que le papier sur lequel on économise”, explique Stéphane Jobard. “L’EDI concerne les gros producteurs de factures mais n’est pas utilisé par la majorité des petites entreprises, le PDF signé est une bonne solution pour elles”, note de son côté Alban Verchère. Considéré comme prometteur une fois réglée l’interopérabilité des solutions, le XML est vu comme une solution de facturation électronique intelligente par rapport au PDF.

Christophe-rebecchi_Readsof« Il y a un intérêt grandissant des entreprises mais en même temps une crainte du redressement fiscal. »

Christophe Rebecchi, Readsoft

Pas de solution miracle

EDI, PDF signé ou XML mènent tous à la dématérialisation fiscale, par opposition à une opération de dématérialisation simple qui se contente de numériser les factures papier et de les conserver sur un support. Avec la dématérialisation fiscale sous forme de flux EDI, la facture papier n’existe plus. Les informations contenues dans la facture sont structurées sous forme de données et échangées via l’EDI. Pour sa part, la dématérialisation fiscale sous forme de fichier XML ou PDF est cadrée par l’article 289-V du code général des impôts, qui régit également la fameuse piste d’audit. Celle-ci constitue le troisième canal d’intégration et remet désormais en question le terme même de dématérialisation fiscale en laissant la liberté de mettre en place un processus régulier et permanent pour garantir un lien chronologique entre une commande et une facture. En cas de contrôle fiscal, c’est l’original de la facture qui fait foi, que cet original soit de l’EDI, du PDF ou du papier dès lors qu’il est associé à la piste d’audit.

“Il n’y a pas une solution miracle, une bonne plateforme est à la fois multicanal et multiprocess : elle permet de recevoir du papier, du scan, du PDF, de l’XML, de l’EDI, de saisir une facture en ligne, de faire transiter les données par un portail ou via un simple email. Parce que différents fournisseurs ont, selon leur taille, différents niveaux de maturité, il faut être souple et ouvert”, estime Christophe Rebecchi, PDG de Readsoft.

Côté petites entreprises, même si les solutions fournies par les prestataires sont accessibles sous forme de licence classique, le mode hébergé est largement plébiscité : il ne demande pas d’investissement de départ et génère un ROI immédiat bien que le service soit essentiellement dédié uniquement aux factures entrantes. Dans les bénéfices attribués au SaaS, les spécialistes insistent sur le volet sécurité. “Chaque utilisateur possède un identifiant et un mot de passe “fort”, unique et associé à ses droits d’utilisation. Les données envoyées sont chiffrées via un protocole SSL et l’étanchéité totale des données de chaque client est garantie. L’empreinte de sécurité et les contrôles réalisés sur chaque image sont le gage de son intégrité et son unicité”, souligne Magali Michel, directrice de Yooz.

 

Magali-Michel_Yooz

« Les petites entreprises sont au fait des technologies de dématérialisation mais estiment que ces technologies ne sont pas à leur portée. »

Magali Michel ,Yooz

Avec un règlement européen qui pousse l’ensemble des pays membres vers une dématérialisation accrue des échanges, c’est l’ensemble des processus “procure et purchase-to-pay” qui occupe les stratégies. “On demande aux directions financières de fournir du reporting en temps réel, de réduire les cycles, de contrôler les processus et, là, la dématérialisation n’est qu’une première étape. Lorsqu’une entreprise reçoit une facture, elle doit être en capacité de maîtriser et d’automatiser tout le processus jusqu’au paiement, de donner une visibilité aux fournisseurs sur le traitement de leurs factures à travers une plateforme. Cela permet de décharger les équipes en place, et de proposer de nouveaux services aux fournisseurs dans une approche collaborative”, précise Eric Breteche, chef de produit marketing chez Itesoft.

Pour beaucoup, la compréhension de la règlementation est une clé de succès. Faire appel à un prestataire certifié est une autre préconisation. La nécessité d’un changement de paradigme est également souvent évoquée. “La réussite durable d’un projet de dématérialisation passe par l’élimination des références au papier dans les processus et pratiques. Aujourd’hui le SI peut très bien vivre sans le papier. Les ERP et PGI qui structurent les entreprises, fonctionnent parfaitement sans produire du papier. Ils intègrent des processus totalement dématérialisés qui sont largement suffisants et tellement efficients. Ce sont de mauvaises habitudes et de mauvais réflexes dans la relation à l’information qui dévoient ces processus, et font vivre en marge d’eux un monde du papier, comme un voile jeté sur le monde informatique”, estime Eric Wanscoor, PDG de Qweeby.

 


IllustrationLes chiffres de la facture électronique en France

Les deux associations GS1 et Galia ont récemment publié un guide de référence consacrée à la facture électronique. Tirés de ce document, des chiffres donnent une photographie du paysage français en 2015.

  • 36 millions de factures (formats électronique et papier) sont reçues chaque année par les 10 premiers distributeurs de la grande consommation français, auxquels il faut ajouter 7 millions de factures reçues chaque année par les deux plus gros constructeurs automobiles français.
  • Parmi ces factures, entre 30% et 40% sont déjà sous format électronique.
  • Plus de 80% des flux factures sont électroniques, dont 20% en dématérialisation fiscale.
  • Pour les PME, 35% d’entre elles envoient entre 1000 et 5000 factures (électronique ou papier) par an (chiffres SAGE)
  • Dans le secteur public, 95 millions de factures sont reçues par l’Etat (à lui seul 4 millions reçues), les collectivités territoriales et les établissements publics (chiffres de la Direction des Affaires Juridiques du ministère de l’Economie).
  • 34 000 factures dématérialisées furent traitées par l’Etat en 2013 (chiffres de la Direction des Affaires Juridiques du ministère de l’Economie).

 


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illust-locarchives_100pxOn compte en France une cinquantaine de prestataires impliqués dans la dématérialisation de factures et la facturation électronique. (Sélection non exhaustive).