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SIRHIUS : la peur d’un nouveau flop d’un grand projet informatique d’Etat

Engrenage données
Engrenage data

En 2014, l’Etat abandonnait le projet mal ficelé et mal conduit du moteur de paie développé par l’opérateur national de la paie (ONP),…. Dans un référé rendu public le mardi 28 juin, la Cour des comptes ne se prive pas d’y faire référence et critique la mise en œuvre du projet de Système d’information des ressources humaines (SIRHIUS) des ministères économiques et financiers (MEF). Dix ans après son lancement, le projet SIRHIUS demeure « inabouti », indique-t-elle.

Fédérer la gestion des ressources humaines des différentes directions des ministères économiques et financiers (MEF) et réaliser des économies de fonctionnement substantielles, voilà à quoi doit servir le projet SIRHIUS. Las, « le mode de gouvernance retenu explique pour une large part le retard constaté. Alors que près de 140 M€ devraient être consacrés à ce projet, le retour sur investissement escompté apparaît aujourd’hui largement hypothétique », critique la Cour des comptes dès le début du référé.

Cette application unique doit assurer la gestion administrative des agents (GA), la gestion du temps de travail et des absences (GTA) ainsi que la pré-liquidation de la paye (GP). Et elle devait également être connectée au nouveau moteur de paie développé par l’opérateur national de la paie (ONP), un projet mal ficelé et mal conduit abandonné en 2014.

Plusieurs années de retard

Prévu pour s’achever en 2014, SIRHIUS n’est toujours pas en place. La cour des comptes critique donc d’abord la lenteur du projet. « Aujourd’hui, seules quatre directions des MEF (représentant 26 % des effectifs) utilisent SIRHIUS pour la pré-liquidation de la paie », précise-t-elle. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a 7 mois de retard, même chose peu ou prou pour le réseau de la direction générale du Trésor (DGT). Il faut compter 1 an pour le secrétariat général et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) et 2 ans pour l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Mais la Cour des comptes s’inquiète surtout de la situation de la direction générale des finances publiques (DGFiP), regroupant 74 % des effectifs des MEF, qui n’a pas de date fixée pour le basculement dans SIRHIUS. Pourtant, la Dinsic (la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État), après un audit de la situation, avait donné son aval en septembre 2015…

La Cour des comptes n’est pas tendre : « La surveillance et le contrôle de l’avancement du projet ont été défaillants et le suivi de la gestion budgétaire a été particulièrement mal assuré. De même, les problèmes techniques posés par les montées en versions successives du progiciel HR Access, qui sert de support technique à SIRHIUS, ont été mal anticipés et sont au cœur des difficultés constatées dans le déploiement du SIRH : difficulté d’anticipation des montées en version, problèmes récurrents d’interfaçage entre le système d’information principal et les applications « métiers » satellites, dérive du calendrier. »

Coûts : une dérive estimé à 23 %

La Cour des comptes termine son référé sur les dépenses et parle de « couts significatifs pour un retour sur investissement quasi inexistant ». Elle fait même remarquer qu’aucune estimation prévisionnelle complète du coût du projet n’avait été réalisée à son lancement, De plus, ajoute-t-elle, le périmètre budgétaire du projet SIRHIUS n’a jamais été « défini précisément, ce qui rend le suivi financier du projet aléatoire. Ainsi, les dépenses exposées sont réparties entre le secrétariat général, en charge des dépenses dacquisition et de maintenance des matériels et des logiciels, de réalisation de lapplication, de sa « recette » technique et de la conduite du déploiement, et les directions du ministère qui supportent la charge des adaptations de lapplicatif à leurs besoins spécifiques et de la reprise des données. ». Elle estime le coût final, d’ici 2019, à plus de 140 M€.
La Cour des comptes, qui ne va pas jusqu’à réclamer l’arrêt du projet, constate néanmoins « la permanence des difficultés que rencontrent les ministères économiques et financiers (MEF) à conduire un projet informatique de grande ampleur dans des délais raisonnables et avec un budget resserré. »

Conduire de grands projets d’une manière plus agile

Avec une grosse organisation comme celle de l’Etat, « il est très difficile de refaire un back end complet. Ce n’est pas propre à l’Etat, et c’est tout aussi difficile dans une banque, par exemple », nous indiquait le nouveau patron de la Dinsic, Henri Verdier, dans une interview du mois de février 2016. Cela est un des sujets pour la Dinsic : quelles sont les méthodes à acclimater dans l’Etat pour conduire de très grands projets d’une manière plus agile ?

Henri Verdier
Henri Verdier, Dinsic

Henri Verdier nous expliquait alors qu’il faudrait sans doute en passer par le « middle-out, comme l’appellent certains grands architectes, avec une respiration plus grande entre la hiérarchie et la base, et avec une délivrance de valeur qui commence plus vite et qui se dévoile donc plus progressivement. » Aucun projet, nous indiquait Henri Verdier, ne devrait passer de longues années avant de prouver qu’il est en train de produire des résultats. Tout n’est pas encore au point…

Une planification et une organisation rigoureuses, se justifie le ministère

En tout cas, au ministère des Finances et des Comptes publics, on minimise. Le ministère répond que  » le déploiement de SIRlUS s’achèvera en juin 2018 avec la bascule de la DGFIP dont la préparation est très avancée. » Il fait remarquer également que les jalons prévisionnels fixés étaient peu réalistes et  » lié au déploiement du progiciel de la paie ONP.  » Mais il reconnaît que la complexité du déploiement d’un SIRH et des modifications de l’organisation des services RH dans une administration à réseau  » a sans doute été sous-estimée « . Le système de gouvernance est progressivement renforcé :  » Un comité stratégique des systèmes d’informations présidé par le ministre des finances et des comptes publics ou son représentant a été créé et est désormais réuni plusieurs fois par an. « , soutiennent Michel Sapin et Christian Eckert. Quant aux retours sur investissements, ils sont chiffrés : le gain annuel de fonctionnement – gestion des ressources humaines est de 569 ETP, équivalents temps plein, (32,9 M€ en 2020). Les gains annuels de fonctionnement – coûts informatiques sont de -2,9 M€ (en 2020).

tableau des coûts et gains
SIRHIUS : le tableau des coûts et gains fourni par le ministère

Pour le ministère, rien d’alarmant donc, et même de la satisfaction : « Compte tenu du contexte et des contraintes qui entourent le projet SIRHIUS, nous considérons que la déploiement dans une partie du ministère est désormais réussi, et que la dernière phase du projet (déploiement à la DGFIP) s’engage dans de bonnes conditions. » Jean qui pleure, Jean qui rit.