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Plébiscité par les télétravailleurs, le succès de Zoom contrarie la concurrence

Eric Yuan et Loic Rousseau,
Eric Yuan, CEO et fondateur de Zoom, et Loic Rousseau, directeur France de Zoom en visioconférence sur Zoom

Le service de tchat et de visioconférence professionnel de Zoom Video Communications a vu sa fréquentation exploser dans le monde dès mars 2020. Les télétravailleurs confinés plébiscitent la simplicité d’utilisation de sa version gratuite. Gênés par son succès grandissant, les géants du secteur et d’Internet organisent la riposte. Trop tard ? Le passage au gratuit des offres concurrentes n’inquiète pas Zoom.

En raison de la pandémie mondial de Covid-19 et du confinement associé, il y aura un avant et un après dans l’industrie mondiale du tchat vidéo et de la visioconférence. De même que pour Zoom Video Communications, l’un de ses plus récents spécialistes indépendants, dont l’application web gratuite connait un succès fulgurant en cette fin de premier trimestre 2020.

Le fournisseur californien est passé d’environ 10 millions de participants réguliers fin 2019 à près de 200 millions en mars 2020. Une belle performance. Certes, la plupart d’entre eux sont des télétravailleurs et des étudiants confinés utilisant la version gratuite de sa plateforme professionnelle de tchat et de visioconférence multi utilisateurs pour l’instant, mais un tel succès valide la reconnaissance de son modèle économique dans le Cloud et il renforce son image de challenger crédible aux yeux des entreprises.

D’autant que l’application de Zoom Video Communications, qui ne nécessite pas de lourde installation logicielle ou matérielle pour bénéficier de 40 minutes gratuites d’appels vidéo, avec jusqu’à 100 participants, était encore assez peu connue en 2019 du grand public et des entreprises dans un grand nombre de pays en dehors des Etats-Unis, dont la France. Or grâce au confinement et à sa simplicité d’utilisation notamment, Zoom passe de l’ombre à la lumière en un clin d’œil et il entre ainsi dans le radar des Gafam.

Les géants d’Internet vexés de ne pas avoir assez anticipé le succès de Zoom

Les géants d’Internet et des réseaux sociaux regrettent sans doute de ne pas avoir bien anticipé le succès de la version gratuite, voire payante, de l’offre de tchat et de visioconférence multi-utilisateurs de Zoom en cette période de confinement prolongé. Et ils ne sont pas les seuls. « La situation actuelle est sans précédent à cause du confinement. On ne s’attendait pas à un tel engouement du public pour une offre professionnelle », reconnaît même un dirigeant de Zoom Video Communications.

Pourtant, Zoom n’est ni un inconnu pour les professionnels du secteur, ni une startup comme aime pourtant à la présenter certains de ses collaborateurs. Fondée en 2011 par Eric Yuan, l’entreprise californienne figure déjà parmi les leaders de la visioconférence professionnelle selon les principaux cabinets d’études IT américains. Et pour cause, Zoom revendiquait en 2019 plus de 81 900 entreprises utilisatrices, dont un grand nombre en Amérique du Nord, pour un chiffre d’affaires de 622,7 M€, en progression de 88 % par rapport à 2018 !

La riposte s’organise chez les Gafam

La riposte ne s’est pas fait attendre chez les concurrents de Zoom Video Communications car certains de leurs utilisateurs, des particuliers comme des professionnels, ont commencé à utiliser au moins sa version gratuite lors du confinement.

Son brusque succès planétaire contrarie les autres leaders de la visioconférence et des réseaux sociaux, dont Microsoft. Skype, l’offre de visioconférence professionnelle que le puissant géant des logiciels et du Cloud aligne face à Zoom Video Communications, n’aurait totalisé en avril que 40 millions d’utilisateurs actifs dans le monde, contre un peu plus de la moitié avant le confinement. Pourtant, les appels d’utilisateur à utilisateur sont gratuits.

Microsoft a donc déclaré la guerre à son rival. Depuis avril 2020, l’utilisateur Skype peut désormais passer des appels, y compris gratuitement, avec plusieurs autres participants sans devoir créer de compte ou installer de logiciel sur son ordinateur. Comme sur Zoom, qui privilégie l’approche gratuite multi-utilisateurs point à point et l’absence d’installation lourde.

Google a aussi décidé en avril d’offrir gratuitement Meet aux particuliers. Lancé il y a trois ans, ce service de visioconférence issu de sa suite bureautique en ligne était jusqu’à présent réservé aux clients professionnels. Six millions d’entreprises l’utiliseraient régulièrement.

Le passage au gratuit des offres concurrentes n’inquiète pas Zoom

Les initiatives récentes des Gafam et de ses autres concurrents dans la visioconférence, dont le passage au gratuit de leurs offres de base, n’inquiètent pas encore Zoom. « Le passage au gratuit de certaines de leurs offres de visioconférence ne fera pas d’ombre à Zoom dans l’immédiat », estime Loic Rousseau, directeur général de Zoom en France, « car Zoom a basé toute sa stratégie produit sur l’atteinte de la meilleure expérience utilisateur. Il ne suffit donc pas d’être gratuit, il faut aussi plaire à l’utilisateur, même s’il utilise notre plateforme gratuitement ».

D’ailleurs, grâce aux enquêtes basée sur le Net Promoter Score (NPS), Zoom Video Communications se félicite d’atteindre un score de satisfaction de ses utilisateurs supérieurs à 70 %. Une majorité d’entre eux plébiscitent donc l’ergonomie et la facilité d’utilisation de son service de visioconférence.

Le confinement a davantage profité à Zoom car les novices apprécient sa simplicité d’utilisation

Zoom Video Communications est, pour l’instant, le fournisseur d’outil de visioconférence professionnel déjà reconnu qui a le plus bénéficié du confinement mondial obligatoire des salariés. Depuis plus de deux mois dans les pays les plus touchés, la pandémie Covid-19 a contraint les particuliers et les PME du monde entier à s’équiper, en urgence, d’outils de visioconférence pour rester en contact visuel avec leurs entreprises et leurs proches.

Et tout naturellement, cette myriade de télétravailleurs, dont beaucoup sont des novices non-initiés ou mal formés à l’utilisation des nouvelles technologies de communication multimédia, surtout chez les TPE et PME, s’est rabattue sur la solution de visioconférence et de tchat qui leur semblait la plus simple d’utilisation, la plus conviviale et ergonomique sur un PC portable. Un prérequis obligatoire pour les plus de 40 ans notamment.

Beaucoup n’ont finalement pas opté pour le « classique » tchat vidéo de WhatsApp, que beaucoup utilisent déjà en Wifi à titre personnel sur leur smartphone, surtout en vacances à l’étranger pour ne pas payer la communication internationale afin de contacter leurs proches par exemple. Cette offre mono utilisateur ne leur a pas paru suffisamment « pro ». Elle ne présentait pas non plus, à leurs yeux et à ceux de leurs employeurs, la sécurité et les fonctionnalités suffisantes pour réaliser des échanges vidéo multi-interlocuteurs de qualité dans le cadre du télétravail… et des loisirs.

La peur de paraître ridicule à l’écran dans une solution « pro »

Idem, faute de contrainte forte des DSI, une partie de ces télétravailleurs novices a été réticente à utiliser, faute de formation suffisante et par peur de paraître ridicule à l’écran la première fois, les systèmes de visioconférence « professionnel » de leur entreprise, réputés complexes, tels que Hangouts Meet, Team, Webex etc. Au grand dam de leurs fournisseurs, les Microsoft, Google, Cisco et autres leaders du travail collaboratif en ligne.

Certains télétravailleurs ont également été réticents à utiliser « officiellement » les outils « pros » de leur entreprise pour organiser, à partir du même PC portable, des apéros vidéos entre collègues ou copains, voir pour suivre des tutos interactifs de bricolage ou de gymnastique en ligne afin de s’évader un peu. Rappelons que le nombre de terminaux connectés dans les foyers connectés n’est pas illimité.

Le succès de Zoom confirme l’abolition de certaines frontières en télétravail

C’est ce mélange des genres et des pratiques, fruit de l’abolition d’une partie des frontières professionnelles et personnelles habituelles en situation de télétravail, surtout lors du partage d’un même outil informatique mutualisé, qui a contribué sans doute le plus au succès de Zoom Video Communications. Cette tendance est en constante progression dans le monde, et surtout en France après des mois de grèves et de confinement.

Rappelons aussi que certains de ces nouveaux télétravailleurs ont découvert l’outil de visioconférence professionnels de Zoom via leurs… enfants et non pas grâce à leurs employeurs. Comme quoi, le marketing est aussi viral. En effet, durant le confinement, l’entreprise californienne a eu l’intelligence d’offrir gratuitement l’utilisation de sa plateforme en illimité aux écoles dans le monde pour les aider à poursuivre leur enseignement à distance. « Zoom a levé la limitation de 40 minutes pour les étudiants dès le début de l’épidémie, en Chine notamment, dans le cadre de notre programme K12 dédié à l’éducation », explique Loic Rousseau, directeur général de Zoom Video Communications en France. Et cela paie. « Dans certains pays, plus d’un million d’étudiants et de scolaires sont connectés régulièrement. Heureusement, nos fondateurs avaient anticipé la situation en créant un dispositif technique capable de soutenir la montée en charge de la plateforme Zoom ».

Zoom victime de son succès ?

Enfin, certains diront également qu’une partie de ces télétravailleurs confinés ne voulaient pas utiliser les outils de visioconférence des Gafam, de peur que ceux-ci ne s’emparent de leurs données personnelles… Et pas Zoom Video Communications ?

Dès avril 2020, le fournisseur californien s’est retrouvé brutalement au cœur d’une violente polémique – orchestrée par la concurrence ? – quant au niveau de sécurité de sa plateforme et sur l’utilisation des données des utilisateurs par des tiers.

Des accusations que récuse Loic Rousseau : « Zoom Video Communications ne procède à aucune collecte ou vente de données de ses utilisateurs. Il est vrai que l’entreprise utilisait un outil de développement (SDK) autorisant les utilisateurs iOS à se connecter depuis Facebook, permettant ainsi à ce dernier de collecter certaines données. Une fois identifié, le problème a été réglé en 24 heures. Enfin, je précise que depuis fin avril, la version 5 de Zoom utilise un chiffrement de niveau 256 bit, contre 128 bit auparavant, pour crypter les communications, à l’instar de ses principaux concurrents ». Certes, mais mi-avril 2020, on apprenait que 530 000 comptes Zoom (identifiants et mots de passe) avaient été mis en vente sur le Dark Web.

Les problèmes de sécurité sont-ils encore un frein à la croissance de Zoom ?

Malgré les prises de position rapide et rassurante en avril d’Eric Yuan, le PDG de Zoom Video Communications, qui a reconnu quelques carences ou erreurs de jeunesse, la polémique a laissé des traces chez les utilisateurs. Dans le doute, certains gouvernements ou administrations ont interdit l’utilisation de Zoom, au moins temporairement.

Les témoignages relatifs au piratage et à l’intrusion surprise d’invités malveillants dans certaines visioconférence Zoom, les fameux « Zoombombing », les ont inquiétés non sans raison. Ils proviendraient d’un paramétrage insuffisant de la sécurité globale des meetings. Il faut dire qu’en l’absence de DSI ou de revendeur expert de la visioconférence, nombre de télétravailleurs novices n’ont certainement pas respecter les bonnes pratiques en matière de sécurité. Et que dire des fausses versions de Zoom qui circulent sur la Toile pour tromper les utilisateurs ?

Zoom Video Communications semble enfin parvenu à rassurer une grande partie de ses utilisateurs. Le Département de la ville de New York vient d’ailleurs d’annuler son interdiction de l’utilisation de Zoom dans ses écoles après avoir étudié les mesures prises en matière de sécurité et de confidentialité.

Le fournisseur californien va donc poursuivre sa politique d’innovation pour se démarquer davantage de ses concurrents. L’introduction dès mars 2020 dans 11 pays européens, dont la France, de Zoom Phone, sa nouvelle brique d’accès télécoms PBX dans le Cloud pour sa plateforme de tchat vidéo et de visioconférence, devrait intéressée les entreprises.

Reste à savoir si l’un des géants d’Internet, des télécoms ou des médias sociaux ne seraient pas intéressé par le rachat du désormais célèbre Zoom Video Communications. L’opérateur télécoms Verizon n’a-t-il pas racheté en avril 2020 BlueJeans, le principal concurrent de Zoom ? Certains médias américains, dont The Information, pensent que Google serait intéressé par l’acquisition de Zoom…

 

 

Auteur : Olivier Bellin