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AVIS D’EXPERT – Les API sont-elles vouées à disparaître au profit des agents d’IA ?

Face à la montée en puissance des agents d’IA capables d’exécuter des tâches complexes entre plusieurs systèmes, le rôle des API traditionnelles est remis en question. Pour Sneha Banerjee (ManageEngine), ces nouveaux agents pourraient bouleverser la manière dont les entreprises conçoivent l’intégration et l’automatisation, en faisant passer les API de l’avant-scène à l’arrière-plan des architectures numériques. 

Aujourd’hui, les entreprises s’appuient sur un nombre grandissant d’applications et d’outils. Tous promettent de rendre le travail plus facile, plus intelligent et plus rapide. Mais comment les faire fonctionner ensemble ? C’est là que réside le principal défi.

Les intégrations sont censées simplifier la manière dont ces outils se connectent entre eux, mais les choses ont fini par se compliquer. Chaque nouvelle application ajoutée à la pile entraîne une autre requête « simple » comme « Peut-on synchroniser ce nouvel élément avec le CRM existant ? » ou « Peut-on envoyer des données vers le tableau de bord ? »

Derrière chacune de ces demandes se cache un réseau complexe d’API, de connecteurs et de scripts personnalisés, couplé à une maintenance constante. La stratégie d’intégration des entreprises ressemble alors davantage à une opération de rafistolage qu’à la conception d’une véritable architecture solide.

Que se passerait-il s’il n’était plus nécessaire de relier les systèmes entre eux ?

Et s’il était désormais possible de simplement donner des directives telles que « Récupère les derniers leads dans le CRM, mets à jour le tableau de bord et informe l’équipe commerciale » et de laisser un agent d’IA se charger du reste ? Un tel scénario est déjà à la portée des entreprises aujourd’hui.

Une vraie question se pose alors : si les agents d’IA sont désormais capables de déterminer les actions à effectuer et la manière de s’y prendre, quel est le rôle des API ?

Pourquoi les API existent-elles et pourquoi les agents d’IA pourraient les remplacer ?

Les API, ou « interfaces de programmation d’application », ont été conçues pour permettre aux systèmes logiciels de fonctionner ensemble. Elles agissent en tant que contrats structurés avec des règles claires pour demander des données ou effectuer des actions. Une application utilise en moyenne entre 26 et 50 API, et de nombreuses entreprises lancent de nouvelles API chaque semaine.

Cependant, l’explosion de l’utilisation des API s’est accompagnée d’une complexité croissante. La gestion de dizaines, voire de centaines d’API, entraîne souvent un phénomène de « prolifération des API », où  la documentation devient fragmentaire, la logique d’intégration disparaît progressivement et les frais généraux s’accumulent.

C’est là que l’IA agentique, c’est-à-dire une IA capable de comprendre les objectifs des entreprises et d’agir sur plusieurs systèmes à la fois, entre en scène. Au lieu de dépendre uniquement d’API conçues méticuleusement, ces agents d’IA peuvent déterminer la manière d’accomplir certaines tâches en observant simplement le comportement du système, en travaillant avec des données semi-structurées, ou même en utilisant des interfaces logicielles, tout comme le ferait un être humain.

Cela ouvre la voie à un large champ de possibilités en matière d’intégration, en particulier dans les cas où les API seraient indisponibles, incomplètes ou difficiles à mettre en œuvre rapidement. Il ne s’agit pas de remplacer entièrement les API, mais de réduire la dépendance excessive des humains à leur égard et d’offrir aux entreprises un moyen plus intelligent et plus adaptable de relier leurs outils entre eux.

Quelles seraient les conséquences d’un tel changement ?

L’essor des agents d’IA n’est pas seulement une nouveauté technologique : il marque un changement fondamental dans la manière dont les entreprises aborderont l’intégration des systèmes et l’automatisation des flux de travail.

Les entreprises modernes devraient donc s’y intéresser de plus près, et ce pour quatre raisons :

1. Repenser l’intégration des architectures 

Traditionnellement, l’intégration consistait à concevoir et à gérer des API qui faisaient office de passerelles entre les systèmes. Cela exigeait une implication constante de la part des développeurs pour créer des connecteurs, mettre à jour les endpoints lorsque les systèmes changeaient et résoudre les pannes.

Contrairement aux API traditionnelles, les agents d’IA ne reposent pas sur des connexions fixes et codées. Ils comprennent les objectifs commerciaux des entreprises et le fonctionnement des différents systèmes, ce qui leur permet de coordonner des actions sur plusieurs plateformes à la volée. Cela a pour effet de réduire le besoin de créer des connecteurs spécifiques, ce qui permet aux entreprises de gagner en flexibilité à mesure que leurs outils et leurs besoins évoluent.

2. Opter pour de nouveaux modèles de sécurité et de conformité

Les API sont dotées de fonctionnalités de sécurité intégrées, telles que la vérification des mots de passe, le chiffrement des données et les contrôles d’accès, afin d’aider les entreprises à rester en sécurité et à respecter les réglementations en vigueur.

Au lieu de se connecter directement aux systèmes en passant par des API, les agents d’IA peuvent interagir entre eux en parcourant les mêmes écrans et en utilisant les mêmes commandes qu’un être humain. Cela signifie qu’ils peuvent fonctionner via l’interface utilisateur en cliquant sur des boutons, en remplissant des formulaires et en consultant des données, tout comme le ferait un être humain, mais de manière automatique. Bien que très flexible, cette approche peut être moins prévisible, car les interfaces peuvent changer de manière inattendue.

Cette situation pose de nouveaux défis en matière de sécurité, notamment en ce qui concerne la gestion des identités, la surveillance comportementale et le processus d’audit. Les entreprises doivent donc veiller à repenser leurs modèles de gouvernance afin de garder le contrôle sur les actions des agents tout en garantissant le respect des normes de sécurité et de conformité.

Les organisations ont donc besoin de s’appuyer sur des outils de sécurité spécifiques aux agents d’IA, tels qu’un gestionnaire d’identités et des accès (IAM), des journaux d’activité, la détection des anomalies et des mécanismes d’IA explicables afin de garantir la transparence et la responsabilité.

3. Vers une évolution du rôle des développeurs et des équipes informatiques

À mesure que la priorité opérationnelle passe de la création d’API à la gestion d’agents intelligents, les compétences et les responsabilités des développeurs et des équipes informatiques sont appelées à évoluer. Les développeurs passeront moins de temps à écrire et à maintenir le code d’intégration. Ils se focaliseront davantage sur la définition de workflows, l’élaboration d’objectifs commerciaux et la création de prompts afin de guider le comportement des agents. Enfin, les équipes informatiques assumeront de nouvelles fonctions en contrôlant les performances des agents, en garantissant le respect de la conformité et en résolvant les problèmes liés aux décisions prises par les agents plutôt qu’aux simples défaillances du système.

4. Faire des économies de temps et d’argent grâce à de nouveaux investissements

Le remplacement de la maintenance et du développement traditionnels des API par une automatisation pilotée par des agents promet une réduction significative des coûts ; cela permettra de consacrer moins d’heures au développement, de subir moins de temps d’arrêt et de favoriser un déploiement plus rapide des workflows intégrés.

Cependant, pour réaliser de telles économies, il est nécessaire d’investir dans des cadres de gouvernance pour les agents d’IA ainsi qu’une  infrastructure de sécurité adaptée aux opérations pilotées par l’IA.

Ainsi, le coût total de possession passera de la maintenance du code à la supervision et à la gouvernance des agents d’IA.

Les agents d’IA sonnent-ils le glas des API ?

Aujourd’hui, une chose est sûre : les API ne sont pas vouées à disparaître ou à être « remplacées » en un clin d’œil.

Et pour cause : elles restent extrêmement utiles. Elles sont rapides, cohérentes et conçues dans un souci de sécurité et de performance. Lorsque les systèmes communiquent par le biais d’API, tout est clairement défini, qu’il s’agisse des données pouvant être partagées, de la manière dont elles sont formatées, du temps que cela va prendre et des conséquences en cas de problème. Un tel niveau de structure reste difficile à égaler.

Si les API ne sont pas vouées à disparaître, elles sont toutefois utilisées différemment. Au lieu d’être perçues comme le principal moyen utilisé par les équipes pour réfléchir à l’intégration, les API passeront discrètement à l’arrière-plan. Les agents d’IA occuperont le devant de la scène en interprétant les objectifs, en parcourant les systèmes et en utilisant les API en coulisses sans que personne n’ait besoin de les relier manuellement.

En d’autres termes, les API continueront à faire le plus gros du travail, mais ce sont les agents d’IA qui décideront quand et comment les utiliser. 

In fine, que devraient faire les entreprises ?

Elles devront commencer par tester les agents d’IA sur des tâches à faible risque, telles que les demandes internes ou l’automatisation des dépenses mais également investir dans la gouvernance et mettre en place des politiques, des journaux d’audit et des systèmes de surveillance afin de contrôler les agents. Et enfin, repenser leur stratégie API en prenant les agents en compte dans l’équation et en les concevant de sorte qu’ils soient lisibles pour les machines, pilotées par les événements et faciles à comprendre et à utiliser pour les systèmes autonomes.

L’intégration agent-first est la solution d’avenir

Puisque les API ont été le langage commun de l’intégration, il est essentiel de considérer les agents d’IA comme un nouveau dialecte plus flexible, plus fluide et plus attentif au contexte. Les entreprises prêtes à adopter ce changement gagneront incontestablement en agilité et en efficacité, tandis que celles qui considèrent encore les API comme l’unique voie à emprunter risquent de se retrouver à la traîne et de se compliquer la tâche.