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Total remet sa DSI en ordre de bataille face à la transformation numérique

Placer l’IT au service des métiers, c’est depuis des années un véritable défi pour une entreprise de la taille de Total, mais à l’heure de la transformation numérique, le géant de l’énergie a lancé une vaste réorganisation des ressources de sa DSI.

Avec 100 000 personnes et une présence dans 140 pays dans le monde, Total est la deuxième plus grosse capitalisation au CAC 40, juste derrière LVMH. Et si on pouvait penser qu’un tel géant industriel pouvait se tenir en marge de la transformation numérique, il n’en est rien. Celle-ci impacte de multiples métiers de l’énergéticien, depuis l’exploration/production, avec ses emblématiques plateformes pétrolières, aux sites industriels dédiés au raffinage et à la chimie, le marketing & services qui gère un réseau de 16 000 stations-service dans le monde, ainsi que l’activité gaz et renouvelables. « Historiquement, le groupe avait positionné la DSI auprès de ces 4 Business Unit, l’idée étant de placer l’IT au cœur des métiers » , explique Frédéric Gimenez, directeur des Systèmes d’Information de Total. « Avec le temps, nous nous sommes éloignés de ce modèle pour certains aspects et c’est la raison pour laquelle nous avons engagé une vaste réorganisation. »

Un redéploiement des ressources IT en cours

Le DSI a souhaité faire évoluer la direction informatique sur 3 axes : les utilisateurs d’une part, les plateformes, les données, l’optimisation de l’existant tant infrastructure qu’applicatifs d’autre part, enfin la transformation de ses méthodes internes. Parmi les priorités de ce plan figurent au premier plan la sécurité informatique et notamment la cybersécurité des sites industriels, considérée comme essentielle à la pérennité du groupe, et l’adaptation du sourcing. Le groupe compte environ 2 000 informaticiens, dont une moitié dans les DSI centrales et un millier répartis dans les 140 pays où Total est présent. « Ces ressources ont globalement été divisées en 3 parties avec, d’une part, tout ce qui est transverse à nos activités avec l’accent mis sur l’industrialisation, l’optimisation des coûts, tandis que les DSI situées dans les Business Units ont été repositionnées sur leurs cœurs de métier et se dégageent de tâches qui étaient moins centrales pour eux, comme par exemple opérer un datacenter. Par contre, développer une application de gestion de maintenance, c’est là où ils sont les plus pertinents. »

Dans ce mouvement de regroupement par compétences au niveau de la DSI centrale, des pôles d’excellence ont été créé sur le volet infrastructure et SAP. « Ces centres d’excellence sont devenus les référents sur leurs technologies pour le reste du groupe. Cela a eu un effet de remotivation des troupes sur des domaines qui étaient en déclin. De la même manière, nous formons nos équipes de production sur les technologies du Cloud, nous en faisons des experts afin que demain ils puissent accompagner le business dans leurs choix. »

En parallèle à ce redéploiement des forces IT, le DSI réinternalise certaines fonctions jusqu’ici sous-traitées. Frédéric Gimenez estime que l’activité IT de Total est actuellement sous-traitée à 60 % en moyenne, un taux qui peut monter jusqu’à 90 % dans certaines activités jugées sans valeur ajoutée, comme le support. « Notre help desk est entièrement externalisé avec un service mondial multilingue qui tourne en 24/7 et qui traite 600 000 tickets par an. A l’inverse, nous avons fait le choix d’internaliser la compétence SAP car 80 % des ressources SAP allaient ensuite dans les métiers car elles y étaient très recherchées pour leur compréhension des processus. C’est un mouvement sur lequel nous commençons à revenir aujourd’hui. »

Le DSI de Total souhaite désormais réinvestir sur des profils techniques comme l’architecture et l’intégration des systèmes, des domaines qu’il considère aujourd’hui comme stratégiques.

Congrès DSI 2018 - Frédéric-Gimenez - Total
Frédéric-Gimenez, lors du Congrès des DSI en janvier 2018

« Nous embauchons toute une vague de nouveaux architectes, de même que des experts très pointus en cybersécurité, des UX Designer, et bien évidemment des data scientists. Il y a un vrai retour des fonctions techniques, notamment auprès de gens qui maîtrisent le Cloud, car c’est à la fois une opportunité mais aussi un risque majeur de dérive complète dans la maîtrise de nos systèmes et celle de nos coûts. Nous voulons absolument nous approprier ces sujets pour éviter ces dérives. »

Soigner le marketing de l’IT

Si cette réorganisation des ressources IT est en marche, pour Frédéric Gimenez l’organisation ne suffit pas, il faut aussi traiter des aspects de culture. « Il faut changer l’état d’esprit des IT face aux métiers, instaurer une vraie relation de confiance avec les métiers. J’ai ainsi créé un département marketing de l’IT, afin de former les IT aux techniques du marketing, leur apprendre comment on gère un client, comment on bâtit une vraie relation avec lui. » Le DSI souhaite mettre ses équipes à l’écoute des métiers sur leurs besoins, comprendre les usages plutôt que de chercher à pousser de la technologie. Selon lui, ce rapprochement IT/métier est en train de s’opérer notamment du fait de la complexité des offres Cloud mais aussi de l’explosion du risque cyber et le besoin de maîtriser leurs données. « Nous voyons les métiers revenir vers nous afin de trouver des experts IT qui vont les accompagner dans cette jungle. Illustration de ce mouvement, on commence à démarcher la DSI sur la maîtrise des SI industriels qui étaient jusqu’à aujourd’hui chasse gardée des industriels. Or c’est la DSI qui est en charge de la cybersécurité de l’ensemble des SI industriels de nos 200 sites Seveso. »

Améliorer l’expérience des collaborateurs 

Autre chantier ouvert par Frédéric Gimenez, celui du poste de travail. Alors que la DSI fournissait une pléthore d’outils aux employés du groupe, une récente enquête menée en interne a montré que beaucoup de collaborateurs réclamaient des solutions auxquelles ils avaient déjà accès. En outre, de nombreuses solutions étaient redondantes, renforçant un peu plus la confusion auprès des utilisateurs. « Dans le cadre de notre practice « Digital Workplace », nous avons lancé un grand chantier visant à améliorer « l’expérience employé ». C’est un sujet complexe lorsqu’on est 100 000 personnes dans 140 pays, avec des employés en mer, sur une station de forage ou en Afrique. Tout le monde ne peut avoir la même expérience employé, donc il faut mener une réflexion sur les usages, de quoi ont réellement besoin les employés. Nous avons créé un labo des usages où nous avons présenté nos solutions aux utilisateurs métiers, leur avons demandé leurs propres usages de la technologie. Des présentations en amphi, des webinars ont été organisés pour expliquer aux collaborateurs ce qu’ils ont à disposition, comment utiliser les outils, etc. » Si, du fait de la taille du groupe et la diversité de ses activité, le DSI estime qu’il ne sera pas possible de créer un package d’accueil commun à tous les nouveaux employés du groupe, il compte sur le prochain déploiement d’Office 365 auprès de 75 000 personnes dans le groupe pour mener un vaste projet de « Change Management ». « Toute l’équipe qui faisait de l’ingénierie du poste de travail avait un métier très technique, qui va devoir évoluer par la compréhension des fonctionnalités des logiciels, et réfléchir à la meilleure façon de les faire adopter par les métiers. C’est un métier très différent et nous avons 1 an et demi pour reconfigurer ces métiers. Si nous n’y parvenons pas, l’adoption des outils chutera après la phase de mise en place », conclut Frédéric Gimenez.

 

Auteur : Alain Clapaud