Accueil Licences logicielles SAP. Va-t-on sortir de l’impasse ?

Licences logicielles SAP. Va-t-on sortir de l’impasse ?

polémique

 

Le dialogue se poursuit entre les utilisateurs des solutions SAP et le géant allemand, gangréné par la question controversée des licences indirectes. Mais, à la date de publication de cet article, aucun accord ou position commune n’a abouti, alors que l’Association des Utilisateurs Francophone des Solutions SAP organise sa convention annuelle.

 

Rien n’est pour l’heure concrètement « sorti » des discussions entamées entre les acteurs impliqués, depuis la lettre ouverte de Claude Molly-Mitton, président de l’association des utilisateurs francophones des solutions SAP (USF), envoyée au siège de SAP en Allemagne suite à l’évolution du modèle de tarification de ses produits dessinée en mai dernier.… L’USF pour la France, pas plus que le SUGEN, le réseau des dirigeants de clubs utilisateurs SAP dans le monde, ni SAP lui-même n’ont depuis indiqué des avancées sur l’affaire qui plombe les relations du géant de l’ERP avec les utilisateurs de ses solutions.

Des échanges de travail confidentiels

Le sujet reste « compliqué autour de l’évolution du licensing de l’éditeur », nous indique Claude Molly-Mitton début septembre, alors qu’il prépare l’important événement annuel à Lille de son association (voir encadré). Mais il assure que les discussions vont bon train, et que sa lettre ouverte a provoqué une accélération de celles-ci : « Depuis notre lettre ouverte, le dialogue s’est d’ailleurs renforcé. Nous travaillons de manière intense, en direct ou via le SUGEN », précise-t-il. Claude Molly-Mitton gardera bouche cousue sur ces échanges et « leur contenu exact » qui sont « pour l’heure confidentiels». « Nous sommes dans un temps de dialogue, d’échange et de travail avec SAP », résume-t-il. Il faudra donc attendre l’aboutissement d’un « accord » ou d’une « position commune » pour une communication officielle. Ce qui induit qu’il y en aura bien un ou une, et que SAP cherche effectivement une solution.

 

 

« Nous sommes dans un temps de dialogue, d’échanges et de travail avec SAP. »

Claude Molly-Mitton USF

 

 

Une déception “immense”

En juin dernier, dans une lettre adressée à SAP, l’association des utilisateurs francophones des solutions SAP réagissait officiellement à l’évolution du modèle de tarification des produits SAP dessiné par l’éditeur en mai dernier lors de sa conférence annuelle Sapphire à Orlando. « Notre déception est à la hauteur de nos espérances : immense ! », écrivait alors Claude Molly-Mitton. Et il recommandait aux utilisateurs SAP « de ne pas accepter pour l’instant de nouvelles conditions contractuelles sur les bases générales que l’éditeur allemand a proposées. » Le licensing de SAP gangrène les relations entre les utilisateurs et SAP depuis plusieurs années. Mais en mars dernier, une goutte d’eau fait déborder le vase : la communauté SAP s’enflamme à la suite d’un jugement rendu par la cour royale de justice : un juge britannique condamne le groupe agro-alimentaire Diageo au bénéfice de SAP. Client de la firme de Walldorf depuis 2004, Diageo a lancé en 2012 deux projets « relation clients », bâtis sur Salesforce, et connectés à SAP via une infrastructure d’échange disposant d’une licence légitime pour accéder aux données. SAP a estimé que cette licence était insuffisante et a assigné son client en justice, exigeant que tous les utilisateurs qui accèdent aux données SAP via l’infrastructure d’échange s’acquittent d’un droit d’usage. SAP réclamait ainsi en reprenant l’historique 64 millions d’euros à Diageo. SAP peut-il facturer les clients pour les usages et accès indirects de ses systèmes par le biais d’applications de tiers ? Telle est la question de fond. En France, l’USF, l’association des utilisateurs SAP francophones, s’en était inquiétée la première publiquement. « Cette affaire donne un signal négatif : elle risque de faire fuir certains prospects et clients de SAP, car elle constitue une épée de Damoclès pour les utilisateurs », commentait début mars Claude Molly-Mitton, En mai, la rébellion semblait avoir été entendue.

Le problème enfin reconnu par SAP

A la conférence annuelle Sapphire d’Orlando, le PDG de l’éditeur, Bill McDermott, avait enfin abordé publiquement la question controversée des licences indirectes dans son discours d’ouverture. « J’entends que l’accès indirect cause de l’anxiété, alors disons-le comme il l’est. La protection de la propriété intellectuelle et la facilité de faire des affaires est un équilibre délicat. Mais, même si nous maintenons cet équilibre, nous pouvons montrer une plus grande empathie », avait-t-il déclaré en introduction. « Aujourd’hui, j’annonce des prix simplifiés. Les processus de “procure to pay” et “d’order to cash” seront maintenant basés sur les commandes, ce qui constitue un résultat mesurable pour toute entreprise. L’accès statique à la lecture dans les systèmes tiers est vos données, et SAP ne facturera pas pour cela. »

Hala Zeine, vice-présidente senior de la stratégie de commercialisation chez SAP SE, précisait alors dans un billet de blog : « La lecture statique indirecte sera maintenant incluse dans la licence du logiciel sous-jacent, c’est-à-dire sans frais supplémentaires lorsqu’un client est correctement titulaire d’une licence. »

Quelle métrique faut-il utiliser : utilisateur, commande ?

SAP semblait donc faire un pas vers les utilisateurs, mais manquait de clarté, la licence étant un sujet fort complexe. Quelle métrique (par utilisateur ou volume de commandes) utilisée selon les processus, à un instant T et à l’avenir ? A l’époque, l’USF voulait prendre le temps « d’analyser l’annonce de SAP sur les nouveaux contrats » avant de se lancer dans des commentaires, d’ « avoir matière à réagir sur le fond ». En juin, c’est chose faite : Claude Molly-Mitton envoie une lettre à Hala Zeine, et remet une copie à la presse IT et économique. « Force est de constater que SAP reconnaît enfin, par ses récentes annonces, l’existence d’un problème que jusque-là elle niait totalement, au moins au niveau de SAP France. Nous ne pouvons donc, sur le principe, que nous féliciter de ce changement majeur de position. Et nous tenons à vous rappeler que ce problème des accès indirects à SAP, s’il a été en effet soulevé depuis longtemps par certains clubs d’utilisateurs, notamment par les clubs allemands et français, avait été évidemment créé à la seule initiative de l’éditeur SAP et non pas à celle de leurs clients ! », indique-t-il en début de lettre. Avant de poursuivre : « Toutefois, notre déception est à la hauteur de nos espérances : immense ! En effet, vous nous présentez un modèle qui est à la fois contestable, incomplet, imprécis donc de fait incompréhensible et inacceptable en bien des points, sur ce que nous avons pu en comprendre. » Conclusion ? Une recommandation générale de l’USF « de ne pas accepter pour l’instant de nouvelles conditions contractuelles sur les bases générales que vous nous avez présentées, en l’état actuel de celles-ci. ».

Un prix en relation avec la valeur d’usage

Les clients SAP prendront-il le risque de révolutionner leur ERP, dont ils sont généralement satisfaits, en passant à SAP S/4Hana, la dernière version de l’ERP de l’Allemand, dont ils admettent qu’il est source de valeurs, mais dont les flous ou les tarifs de licence sont également source de frilosité ?

Stéphane Moreau

Stéphane Moreau, directeur du consulting SAP chez TVH Consulting, intégrateur Microsoft et SAP, le souligne. « Certains cas sont insuffisamment définis », le problème « n’est pas réglé ». SAP applique depuis de longues années pour l’entreprise « un licensing qui est basé sur un utilisateur donné. Et là, on lui dit que l’utilisateur peut être la planète entière. » Faut-il envoyer un petit chèque ou un billet aux éditeurs à chaque fois qu’un utilisateur externe se connecte et interagit avec l’ERP ?, s’interroge-t-il. Pour lui, les éditeurs sont « plus au point technologiquement que contractuellement et en termes de licences. » Et c’est un des freins pour que l’entreprise modifie son ERP. « Le prix que cela coûte doit être en rapport avec la valeur d’usage ». A défaut, selon le responsable, les nouveaux entrants [clients] iront vers les ERP type Cloud, à l’instar d’un Workday ou d’un Netsuite.

Le sujet des licences reste de façon générale un vaste sujet d’interrogations et d’explications. A l’occasion de la Convention 2017, l’USF publie un livre blanc réalisé avec le Cigref sur l’audit de licences, et Patrick Geai, vice-président USF, anime un atelier sur le sujet…