Accueil Le DSI, cet incompris de la PME ?

Le DSI, cet incompris de la PME ?

Etre DSI en PME est parfois un sacerdoce. Tout dépend de la maturité de la direction générale vis-à-vis des nouvelles technologies et de ses priorités. La pugnacité est alors requise.

«Ce n'est pas la taille, c'est la maturité de l'entreprise vis-à-vis de l'IT qui compte», analyse Sylvain Costy, en recherche d'emploi après avoir été DSI chez Fauchon et Electrogeloz. Quand la PME n'est pas orientée IT, son peu de moyens et de compétences pèse lourd dans la balance. Etre DSI devient alors un sacerdoce, comme en témoignent trois DSI.

Toutes les commandes passent par le SI d'Electrogeloz, spécialiste des services d'impression et de gestion documentaire. Et pourtant, à son arrivée en 2011 Sylvain Costy y mesure une très faible maturité : trop de développements maison rendaient le système ni évolutif ni maîtrisé. «Moins l'entreprise est mature, plus c'est difficile de communiquer et d'expliquer pourquoi il faut construire le SI, soupire Sylvain Costy. Changer les mentalités qui ne voient pas pourquoi on transformerait un système qui fonctionne comme il est, même si c'est avec des rustines, s'avère difficile !» Quand les notions de process et méthode projet sont peu usitées, imaginez ce qu'il en est des méthodes agiles. Conduire le changement s'est révélé mission impossible sans véritable soutien de la direction générale pour M. Costy : «le DG était geek dans son état d'esprit mais ne m'a pas assez supporté dans ma démarche de changement au niveau humain. Les gens n'ont pas compris qu'ils devaient investir du temps.»

La DSI de Fauchon comptait une dizaine de personnes pour 350 salariés à l'époque où Sylvain Costy était à sa tête, entre 2008 et 2011, avec une maturité faible : «Cette épicerie fine de luxe est créative et veut aller vite, ne se posant pas forcément la question du respect des process et des normes.» Il y mettra néanmoins du sang neuf, de la messagerie Cloud au passage du logiciel de gestion d'entrepôt d'Infolog en SaaS, en passant par la virtualisation de l'infrastructure sous VMware et la mise en place d'un plan de reprise d'activité (PRA).

Faire encore plus ses preuves

Si comme ses confrères des grandes entreprises, le DSI en PME doit être innovant, Sylvain Costy remarque qu'il «faut d'autant plus y montrer que la DSI est un centre de profits, qui apporte des gains en temps et en productivité au métier de l'entreprise. La reconnaissance par la position du DSI dans la pyramide hiérarchique. S'il a du poids décisionnel, il peut avoir une vision globale et être force de proposition.»

Virginie Baronnet, DSI en transition, membre du club décision DSI qui compte 1000 adhérents, a été directrice informatique de 2006 à 2013 de Voyages Loisirs, filiale de France Loisirs qui compte 70 salariés. Elle met en avant la nécessité de bien connaître le fonctionnement de l'entreprise et des métiers. Elle a été au comité de direction : «Tout dépend de sa position en son sein. Il faut batailler en permanence pour montrer l'intérêt de l'IT dans une PME ! Il faut au comité de direction être force de proposition. J'y ai progressivement pris un rôle de conseiller et de médiateur, rapide et efficace qui apporte des gains de productivité par ses projets.» Elle a étendu son périmètre de responsabilités en prenant en charge la partie organisation à partir de 2008.

Auparavant elle avait été responsable informatique de l'ONG Amnesty International pendant sept ans : «L'envergure de l'ONG va jouer sur les responsabilités du DSI. Une association regroupe des bénévoles qu'il faut former, ce qui ralentit les projets. Il y a des geeks, mais aussi des gens qui ne veulent pas du tout s'investir en informatique».

Gérer le poids de l'historique

Sylvain Favre, 40 ans, a été DSI chez All Transports, entreprise de transport de marchandises familiale de 2004 à 2006 puis a continué au même poste six ans chez BBL Transport qui a racheté l'entreprise. Son constat est sans appel : «Chez All Transports, PME de 90 personnes sur trois sites, il n'y avait ni cohérence ni gestion de pôle informatique. Le plus dur à gérer est le poids de l'historique avec des briques qui s'empilent. BBL Transport, société plus jeune de 180 personnes pour 14 agences transport en Europe, n'avait pas de service informatique à proprement parler mais était plus cohérent. J'y ai mis en place un Cloud privé en 2008 avec une infrastructure VMware et Netapp.» S'il a toujours été au comité de direction de BBL Transport (soit récemment 30 personnes pour une vingtaine d'agences), il a trouvé très difficile d'être toujours pédagogue face à des néophytes qui «subissent» l'informatique et ne savent pas exprimer leurs besoins : «Le DSI a un rôle de conseil, est moins dans l'opérationnel. Il n'a du pouvoir que si un vrai besoin émane du métier. Or l'informatique n'est pas un élément central de la stratégie d'un prestataire de transport de marchandises. Mais quand cela ne marche plus, tout le monde est perdu. De plus, avec la crise, à partir de 2008, les nouveaux projets étaient gelés.» Dans une PME, il remarque aussi l'empilement des responsabilités qui «polluent» : comme responsable informatique, il avait ainsi été amené à gérer les contrats des alarmes. Aujourd'hui Sylvain Favre monte sa structure «Votre DSI» de DSI en temps partagé qui verra le jour en 2014, même si un poste de DSI en PME pourrait l'intéresser.

L'envie de progresser et de réussir

Le DSI est une bonne pâte pétrie de qualités. Pour M. Trignan, DSI d'Innothera, 52 ans, la première qualité du DSI c'est la curiosité : «Tant qu'on garde l'envie d'apprendre, on n'est jamais vieux !» Son confrère Laurent Chollat-Namy de Figaro Classifieds ajoute à la curiosité l'ouverture. Sa consœur Virginie Baronnet insiste sur l'adaptabilité permanente, le travail en bonne intelligence, et le sens du partage, que les DSI en réseau ont bien compris. Frédéric Lapeyre de Mondadori conclut : «si on a les capacité ou des envies, il faut y aller. C'est comme cela qu'on réussit !»