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Un marché qui vaut 6 milliards d’euros

Tendre vers le Zéro papierLe marché de la dématérialisation, qui pèse quelque 6 milliards d’euros, devrait encore augmenter de plus de 8 % par an d’ici 2017, selon les prévisions du cabinet d’études Xerfi-Precepta. L’archivage électronique, les factures notamment, et la sécurisation des échanges devrait croître d’au moins 15 % d’ici à 2017. Les experts de Xerfi-Precepta en concluent que les fondamentaux du marché sont solides entre la transition numérique, la recherche de l’efficacité par les entreprises, l’essor de l’e-administration ou encore un cadre légal et normatif très favorable. Jusqu’en 2015, SerdaLAB table pour sa part sur une croissance du marché de la dématérialisation de 11,7 % avec des taux de croissance annuels situés entre 3 % et 4 %. Le spécialiste du management de l’information voit également un marché porté par l’édition de logiciels et de plateformes de dématérialisation dans le cloud ainsi que par le segment des tiers de confiance.

Face à ces chiffres encourageants, on pourrait penser que la disparition du papier est réellement inéluctable. C’est sans compter sur la résistance au changement, blocage numéro un de nombreux projets. « On entre au cœur du travail des collaborateurs, on leur demande de changer leurs habitudes, de faire confiance aux procédures de signature, de confidentialité, d’aller dans le cloud ou non », indique Gwénael Fourré, responsable de la division Office chez Microsoft.

Des utilisateurs déstabilisés, perturbés

Sur le terrain, les prestataires observent que la dématérialisation perturbe et déstabilise les utilisateurs, même lorsque ceux-ci sont formés à sa mise en œuvre. Certains pensent que la suppression du support matériel est une rupture dans les pratiques, les habitudes et les processus, les rapports entre individus, les structures formelles et informelles de pouvoir et d’autorité, et que les outils peuvent renforcer cette rupture. « Un collaborateur peut perdre de nombreux repères lors de la mise en œuvre de la dématérialisation car le papier supporte des tâches constitutives de son activité », explique Eric Wanscoor, patron de Qweeby. « Les outils collaboratifs permettent à tous de savoir qui bloque. Le cadre de référence change aussi, comme par exemple les règles de valeur légale des documents électroniques. Les bonnes habitudes, comme avoir le document papier sous la main, et un crayon pour l’annoter, deviennent de mauvaises manies à remplacer par d’autres : classer efficacement les données sur l’ordinateur, gérer les versions des documents, accéder à des documents partagés, signer électroniquement, déposer au coffre-fort électronique, sauvegarder, gérer des tâches au sein de workflow, etc. De nouvelles pratiques émergent et deviennent la règle. Le temps réel devient l’usage et le délai l’exception ».

Alexis Renard, CEO de MailjetLe papier ne répond pas aux nouvelles tendances marketing. »
Alexis Renard, Mailjet

Les freins de la sécurité et de la confidentialité

Tonique, le marché de la dématérialisation n’en est pas moins lesté par la complexité des processus, la peur du changement et, bien souvent, le manque de compétences en interne. Les investissements ainsi que l’incertitude quant au choix de la solution et la rentabilité des projets incitent encore à la prudence, malgré un ROI facilement démontré par les prestataires. Pourtant, quels que soient les secteurs d’activités, le potentiel du numérique est immense. « L’envoi de mails personnalisés est une évolution forte du marketing, à laquelle ne peut pas répondre le papier », illustre Alexis Renard, CEO de Mailjet. « La capacité qu’ont les entreprises à adapter leur communication auprès de leurs clients, à la conceptualiser et à la cibler en fonction d’une certaine instantanéité est une des forces du numérique ». On pourrait aussi dresser la longue liste des applications susceptibles de se métamorphoser en services cloud. Mais celles qui concernent la dématérialisation ne rencontrent pas encore un franc succès. « Les offres de dématérialisation dans le cloud sont technologiquement mûres et de plus en plus interopérables, mais les clients ne sont pas prêts psychologiquement à passer le cap », constate Olivier Rajzman, directeur de DocuWare. « Leur réticence porte sur la sécurité et la confidentialité des données.». Les outils bureautiques, qui placent le document au cœur des traitements, soulèvent eux aussi les mêmes questions de sécurité. « Notre offre de cloud hybride, qui permet à l’entreprise de garder la main sur les données de son choix, et les infrastructures mises à disposition garantissent cette sécurité. Pour preuve, Alstom, très impliqué dans la construction de nos centrales nucléaires, a fait le choix d’Office 365 ».

Du sur-mesure pour des entreprises exigeantes

Les acteurs de la dématérialisation se montrent optimistes et segmentent leurs offres pour répondre aux préoccupations métier des entreprises, de plus en plus exigeantes. « Les clients veulent des prestations sur-mesure, un véritable accompagnement et des résultats tangibles », estime Philippe Gattet du cabinet Xerfi-Precepta. « Pour se différencier, les acteurs peuvent proposer une chaîne de services autour de la gestion intelligente de la donnée, en s’appuyant sur le cloud et les Big Data. Les professionnels peuvent aussi s’engager sur la performance de leur offre. Avec les technologies liées au cloud et aux Big Data, la mesure ROI promis au client s’en trouvera améliorée. Avec ces nouvelles technologies, les prix des solutions dépendront davantage des gains de productivité réalisés par le client. Dans ces conditions, les modèles de rémunération axés sur la performance vont peu à peu s’imposer ».

Entre des PME plus sensibles au ROI et donc adeptes des solutions clef en mains, et des grandes entreprises plus orientées sur la méthodologie mais disposant de plus de moyens, les demandes et les projets conduisent à la création de nouveaux écosystèmes capables d’assurer la dématérialisation de bout en bout. Mais les experts de l’automatisation complète de la chaîne sont encore peu nombreux, d’une part en raison de la complexité de la mise en œuvre, d’autre part parce que la reprise de l’existant papier s’avère finalement aussi délicate que chronophage. En fédérant leurs compétences respectives, d’autres acteurs devraient logiquement s’associer pour alimenter cet écosystème, leurs prestations conjointes couvrant alors la capture, la gestion des workflows, et l’archivage, sans oublier l’impression lorsqu‘elle celle-ci est nécessaire. « Interdire le papier n’est pas la solution, il vaut mieux accepter de faire coexister information numérique et documents papier selon une stratégie d’utilisation modérée du papier », estime Marc Delhaie, pdg d’Iron Mountain. « Adopter cette stratégie de modération, c’est faire l’effort de réduire progressivement sa dépendance au papier, d’appliquer un programme de numérisation économique et géré, et de faire en sorte que les employés adhèrent volontiers à ces nouvelles pratiques ».