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Transformer l’État lui-même

Henri Verdier
Henri Verdier

A vocation nouvelle, La Dinsic allie les fonctions d’une DSI et une mission de transformation numérique. « L’Etat a une longue histoire avec l’informatique. C’est lui qui fonde l’informatique à la française dans les années 70. Et il l’utilise. En ce moment même, on caracole en tête des classements internationaux en matière de e-gouvernement », souligne Henri Verdier, le nouveau patron de la DINSIC, dans une interview qu’il nous a accordée page 58.

Quand la philosophie et les idées d’un créateur de start-ups, convaincu par l’open data, le logiciel libre et les méthodes agiles, arrivent à la nouvelle DSI de l’Etat, cela signifie bien que les mentalités sont déjà en train de changer. Henri Verdier revendique aussi pour la DINSIC une mission d’ « acclimatation dans l’Etat de stratégies proprement numériques », comme l’open data ou le « gouvernement ouvert ». Axelle Lemaire vient d’ailleurs d’annoncer que la base Siren (10 millions d’entreprises) serait gratuite à partir de janvier 2017. De même, des projets comme France Connect, l’Etat plateforme ou la diffusion des data sciences lui semblent essentiels à la diffusion de cette « modernité numérique ». il faut dire que l’Etat a eu quelques ratés. On pense notamment à SI-Paye, le système centralisé de paie des fonctionnaires qui a été abandonné au printemps 2014 par l’ancienne Disic et qui devrait coûter 1 milliard d’euros selon le Senat…

Régine Diyani
Régine Diyani

Mais il a dorénavant à son actif des chantiers en cours de réussite, qui peuvent servir d’exemple à l’ensemble de la collectivité. Comme en témoigne Régine Dyani, directrice de l’Agence pour l’informatique Financière de l’Etat (AIFE) avec Chorus Pro, plateforme mutualisée permettant l’échange de factures dématérialisées entre l’ensemble de la sphère publique et les entreprises. « Nous pensons que cela aura un effet d’entraînement pour toute la facturation électronique interentreprises », s’enthousiasme-t-elle, en nous parlant de son projet page 33.

 

Claude Molly-Mitton
Claude Molly-Mitton

La France est même en avance dans ce domaine, par rapport aux pays du Sud de l’Europe comme le Portugal, l’Espagne ou l’Italie, soutient Claude Molly-Mitton, Communications Manager & Competitive Intelligence Manager à l’AIFE, et les solutions de dématérialisation choisies par la France servent d’exemple à l’Union Européenne qui peaufine son projet de dématérialisation des factures.

 

 

Une volonté d’avancer

« Une visibilité sur l’effort digital est nettement plus importante », souligne Jean-Philippe Labille, un témoin de « l’intérieur » qui est DSI adjoint en charge de la transformation digitale à la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC), et auteur de plusieurs publications sur le numérique (Les défis du numérique, Institut Esprit Service, Livre blanc du PMI sur les projets de transformation, PMIF). « On sent bien que la dynamique est orientée vers l’amélioration du service usager : la simplification de l’accès à l’information, l’offre de nouveaux services digitaux. Il existe une vraie volonté d’avancer sur ces sujets-là ». La façon d’aborder le sujet change également, nous confie-t-il. « Aujourd’hui il n’y a pas un projet sur lequel la question du digital ne se pose pas : par exemple, quel canal pour distribuer l’information ? Faut-il un service Cloud ? Et la cybersécurité… ».

Jean-Philippe Labille
Jean-Philippe Labille

L’attention est plus marquée sur l’interface utilisateur et la qualité des services offerts, y compris pour les services délivrés aux agents eux-mêmes, souligne Jean-Philippe Labille. Enfin, la conduite de projet a changé également, remarque-t-il : « Pendant très longtemps, on a favorisé les grands projets, étalés sur des années avec des ambitions extraordinaires et des budgets colossaux. Aujourd’hui on va produire plus vite, on adopte des méthodes agiles, on fait appel à l’open source, à la créativité… Et l’on remet les résultats dans les objectifs. Il y a des bénéfices à évaluer, et il faut que ces deniers soient atteints. »

Un point de rupture à ne pas dépasser

Il y a un vrai effort de mise en marche de la révolution digitale au sein de l’administration, mais cela se conjugue avec des difficultés de ressources financières et RH. « Je ne suis pas certain que l’administration mette tous les moyens pour pouvoir justement privilégier les talents numériques qui s’y trouvent », analyse Jean-Philippe Labille. Et côté budget ? « Cela fait 9 ans que je suis dans la fonction publique, et cela fait 9 ans que les budgets sont en baisse. Le danger, c’est au final de sacrifier la qualité et la performance. Il y a des points de rupture au-delà desquels on ne pourra pas aller. »